mardi 30 novembre 2010

Des alliances contre nature se nouent au Kivu

Goma,

Autour de Goma, les immenses camps, où voici un an s’entassaient plus d’un million de déplacés ont cédé la place aux pâturages. Sur la route menant vers le « Grand Nord », Rutshuru et au-delà, les barrières militaires et autres péages ont disparu ; le maire de la ville, Roger Rachidi, s’efforce d’abattre les plus illégales des maisons ; les conflits fonciers ont remplacé les affrontements militaires et l’Union européenne se prépare à investir 40 millions de dollars dans la réfection du réseau routier de Goma et Bukavu. L’heure est à la paix, à la reconstruction, et cependant, il n’est question que de bruits de bottes, de nouveaux recrutements militaires, d’alliances contre nature. Une fois de plus, les cartes vont-elles être rebattues, les armes parler à nouveau ?
Il apparaît en effet que l’opération « Amani Léo », où les forces gouvernementales s’étaient donné pour but, voici un an, de venir à bout des rebelles hutus des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), s’est soldée par un échec et qu’elle est virtuellement terminée. Certes, de nombreux Hutus ont été désarmés et ramenés au Rwanda, Caritas estime que le nombre total d’enfants soldats ne dépasse plus les 2000, la pacification de la province a progressé. Mais des éléments imprévus sont apparus. Rappelons que, début 2009, à la suite d’un changement d’alliances qui surprit tout le monde, les présidents Kagame et Kabila décidaient d’enterrer la hache de guerre ; Laurent Nkunda, le rebelle tutsi qui avait failli prendre Goma, était arrêté par les Rwandais puis placé en résidence surveillée tandis que son adjoint, Bosco Ntaganda, « retourné » par les forces gouvernementales, se retrouvait placé à la tête de l’opération militaire Amani Léo.
Bosco Taganda, accusé de nombreux crimes de guerre, fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, mais, malgré les protestations, le président Kabila l’a chargé de poursuivre les rebelles hutus. A ses côtés, les troupes du CNDP, (Conseil national pour le développement et la paix), le mouvement que dirigeait Nkunda, ont été réintégrées dans l’armée sans autre forme d’examen.
Depuis lors, la roue a tourné : les hommes du CNDP, protégés désormais par la bannière gouvernementale, se sont enfoncés loin des zones frontalières et des collines du Nord Kivu où ils s’étaient cantonnés jusque là. S’enfonçant au cœur de la forêt, ils ont pris le contrôle des zones minières du côté de Walikale, source de bénéfices importants, qu’ils partagent tacitement avec d’autres groupes armés, des Congolais ou même des Hutus rwandais !
En outre, au Nord comme au Sud Kivu, des « alliances contre nature » sont apparues : certains groupes du CNDP, parmi lesquels des partisans de Nkunda et des militaires venus du Rwanda, se sont révélés hostiles au président rwandais Kagame et disposés à rejoindre les deux principaux opposants de ce dernier, les généraux Kayumba Nyamwasa et Patrick Karegeya. Ces derniers, réfugiés en Afrique du Sud où le premier a fait l’objet d’une tentative d’assassinat, lancent des appels à la dissidence et tentent de recruter des troupes. Ces deux officiers, cependant considérés comme des « Tutsis purs et durs » et de tendance monarchiste auraient réussi à convaincre des Hutus réfugiés au Congo de rejoindre leur combat contre Kagame !
Sur le terrain, les Congolais, stupéfaits, ont constaté ces derniers mois que des Rwandais, Hutus et Tutsis, qui étaient censés se combattre, ont conclu d’étranges alliances. Kigali, très attentif à ce nouveau risque de déstabilisation, a envoyé à Kinshasa son ministre de la Défense James Kabarebe pour discuter des mesures à prendre et à Goma, plusieurs personnalités qui étaient proches de Nkunda et auraient pu soutenir la rébellion en gestation ont tout simplement été assassinées.
Selon certaines sources, 400 militaires rwandais auraient même franchi discrètement la frontière au dessus de Goma, pour préparer une opération punitive contre cette coalition d’opposants.
Minée par ce retournement d’alliances, par la transformation de certains militaires en exploitants miniers, par la corruption des officiers qui se font construire de belles maisons avec les soldes de leurs troupes l’Opération Amani Léo n’existe virtuellement plus. L’armée régulière souhaiterait régler une fois pour toutes le problème des transfuges venus du CNDP en faisant d’eux des militaires du rang et en les affectant ailleurs dans le pays.
Dans ce but, les militaires européens d’Eusec (la force européenne qui appuie la réorganisation de l’armée) ont mis au point des fiches biométriques, ils distribuent cartes de service informatisées et nouveaux uniformes : tout ceux qui en seront dépourvus seront automatiquement considérés comme des hors la loi.
Mais les soldats tutsis du CNDP renâclent : certains craignent d’être dispersés dans le pays (« nous avons peur de perdre notre cohésion, notre force de frappe » nous explique l’un d’entre eux) tandis que d’autres refusent que soit interrompu leur juteux business minier ou la préparation de nouvelles opérations. C’est dans ce contexte tendu que de nouveaux recrutements sont relevés à Kitchanga, l’un des fiefs du CNDP et que l’insécurité s’est déplacée vers le Nord de la province, du côté de Lubero, de Beni, de Kayabayonga où un curé, qui récoltait des armes afin de tenter de pacifier la région, a été abattu à bout portant. L’évèque de Beni a publié un communiqué alarmant, dénonçant la violence croissante dans la région.
D’autres alliances contre nature, dirigées contre Kigali et Bujumbura, se nouent également au Sud Kivu : ici aussi les dissidents rwandais Kayumba et Karegeya recrutent parmi les Hutus et les Tutsis, ils sont soutenus par le FNL, (Forces nationales de libération) un mouvement extrémiste hutu du Burundi qui a repris le maquis sur la frontière congolaise et aussi par un mouvement composé de Tutsis des haut plateaux, le FRF (front révolutionnaire et fédéraliste).
« A peine avions nous commencé à réduire et à intégrer nos propres groupes rebelles que la donne, une fois de plus, a changé » commente un officiel congolais «des opposants au régime de Kigali et à celui de Bujumbura viennent se réorganiser chez nous » Sans surprise, les services de sécurité des trois pays multiplient les réunions et les populations de l’Est du Congo, une fois de plus, se demandent si elles ne vont pas faire les frais d’une guerre menée sur leur sol par des étrangers

mardi 23 novembre 2010

Procès Bemba : Une enquête "bâclée" ?

Au premier jour du procès Bemba, la défense de l'ancien vice président de République démocratique du Congo (RDC) n'a pas de mots assez durs pour pour dénoncer une enquête "partial et bâclée". Jean-Pierre Bemba est accusé d'avoir dirigé des miliciens qui ont commis des meurtres, des viols et des pillages en République centrafricaine entre 2002 et 2003. Il risque la prison à vie s'il est reconnu coupable au terme de ce procès, qui devrait durer six mois.
HAG10.jpg"Une enquête partiale, une enquête bâclée, et qui en définitive n'apporte absolument pas aux juges ce qu'ils sont en droit d'attendre, c'est-à-dire des preuves au-delà de tout doute raisonnable", dénonce Maître Nkwebe Liriss, l'un des avocats du leader congolais. Jean-Pierre Bemba a plaidé non coupable au cours de ce premier jour de procès.

Pourtant, pour le procureur de la Cour pénal international, Luis Moreno-Ocampo, le dossier est solide : "Jean-Pierre Bemba a sciemment permis aux 1.500 hommes qu'il commandait de commettre des centaines de viols, des centaines de pillages". D'après le procureur, Jean-Pierre Bemba était "le commandant militaire avec l'autorité effective et le contrôle des troupes qui ont commis les crimes", ce que conteste fermement la défense.

"La responsabilité hiérarchique incombait au commandement suprême de l'armée centrafricaine", assure Maître Liriss, regrettant que "la chaîne de commandement centrafricaine" ne soit pas appelée à témoigner au procès et note l'absence d'un personnage clé : Ange-Félix Patassé, le président centrafricain auquel les troupes de Bemba était venus prêter main forte. Un des avocats de Jean-Pierre. Bemba, Aimé Kilolo, affirme que les miliciens du MLC combattaient "avec l'uniforme et sous le drapeau centrafricain", et que ce sont donc les autorités de ce pays qui les commandaient et qui étaient responsables de leur discipline.
La CPI a autorisé la participation de 759 victimes au procès et les juges doivent encore se prononcer sur plus de 600 autres demandes. Le procès Bemba doit durer au moins 6 mois.

samedi 20 novembre 2010

RDC : L'heure de vérité pour Jean-Pierre Bemba

Le 22 novembre 2010, s’ouvrira devant la Cour pénale internationale (CPI) le procès de Jean-Pierre Bemba, ancien vice-président de République démocratique du Congo (RDC). Jean-Pierre Bemba est accusé de crimes de guerre commis par ses troupe en République centrafricaine (RCA )entre 2002 et 2003. Mais au delà du procès, c'est la participation du "chairman" à la prochaine présidentielle qui se joue. Et selon toute vraisemblance, Jean-Pierre Bemba ne sera pas en mesure de se présenter au prochain scrutin de 2011. Quid de son avenir politique ?
Image 3.pngLundi 22 novembre à 14h30, l'ancien rival de Joseph Kabila aux élections de 2006 fera son entrée dans la salle d'audience de La Haye. Deux ans après l’arrestation de Jean-Pierre Bemba, plus de sept ans après les faits et après deux reports successifs, les attentes sont grandes. « L’ouverture du procès Bemba est un moment historique pour les victimes de la République centrafricaine qui gardent espoir de voir la CPI leur rendre justice », a indiqué Lucille Mazangue de la Coalition centrafricaine pour la CPI. « L’attente des victimes et le dépérissement des preuves s’accentuent à mesure que le temps passe. Nous espérons donc que le procès se déroulera en bonne et due forme sans retard excessif. » Pour les partisans du leader de l'opposition congolaise, c'est toujours l'incompréhension. Les avocats de Jean-Pierre Bemba estime que leur client n'est pas responsable des exactions de ses troupes en RCA, n'étant pas présent sur place et ne dirigeant donc pas les opérations sur le terrain.
Mais derrière l'affaire judiciaire se profile l'avenir politique politique de Jean-Pierre Bemba. Le procès durera plusieurs mois et il paraît improbable que le président du MLC, principale parti d'opposition congolais, soit libre au moment du scrutin, prévu en novembre 2011. L'avenir politique de Jean-Pierre Bemba semble donc des plus compromis : difficile d'envisager une liberté provisoire plusieurs fois réfusé, le leader du MLC risque donc de regarder les élections dans sa cellule de La Haye. Plusieurs hypothèses sont toutefois évoquées : la candidature d'un Bemba "prisonnier", le sénateur congolais pouvant se présenter du fond de sa cellule en espérant gagner le scrutin et forcer la main de la CPI pour le libérer. Mais l'hypothèse est très risquée et pas forcement légale. Deux autres possibilités s'offrent ensuite au MLC : la présentation de François Muamba (avec de faibles chances de faire un bon score) et enfin l'arrivée d'un candidat "surprise". Le récent rapprochement entre Jean-Pierre Bemba et Vital Kamerhe montre qu'il peut y avoir un "ticket" Bemba-Kamerhe au premier ou au second tour afin de former une coalition anti-Kabila solide. En attendant le "chairman" doit déjà se sortir d'un procès difficile, voulu comme exemplaire par la communauté internationale.

jeudi 18 novembre 2010

RDC : L'échec de la solution militaire

Depuis plus de 10 ans, l'Est de la République démocratique du Congo (RDC) est le théâtre de guerres à répétition avec son cortège de massacres et de réfugiés. En 2009, Kinshasa et Kigali décident de mener des opérations militaires communes pour pacifier la zone. Plus d'un an après, l'International Crisis Group (ICG) dénonce l'échec de ces opérations armées et prône une nouvelle "approche basée sur un dialogue transparent".
Dans son dernier rapport sur la RD Congo, l'International Crisis Group affirme qu'un "plan de résolution du conflit au Kivu consistant à privilégier la solution militaire s'avère être un échec". Le rapport estime que "deux années après le début du rapprochement entre le président congolais Joseph Kabila et son homologue rwandais Paul Kagame, les soldats congolais sont encore aux prises avec des miliciens pour le contrôle des terres et des zones minières".
L'ONG note que "l'approche actuelle doit être réévaluée et élargie afin d'impliquer toutes les communautés locales et préparer l'avenir de la région en instaurant un dialogue transparent, notamment avec les pays voisins" (Rwanda, le Burundi et l'Ouganda). "Les limites de l'approche politico-militaire actuelle sont atteintes", affirme le directeur du projet de l'ICG, Thierry Vircoulon. Le rapport préconise une nouvelle approche du conflit, car "sans une nouvelle stratégie, le risque d'affrontements interethniques, de désintégration de l'armée nationale et de déstabilisation régionale deviendra de plus en plus élevé".

RDC : 21 morts dans une attaque FDLR

Au Nord-Kivu, à l'Est de la République démocratique du Congo (RDC), une embuscade des rebelles hutus des FDLR a fait 21 morts... tous civils. Radio Okapi indique qu'un véhicule de commerçants de la région de Walikale a été pillé par des miliciens FDLR, avant de tuer tous les occupants.
Image 3.pngDes centaines de viols systématiques et de violentes attaques rebelles ont frappé le territoire de Walikale ces derniers mois. Les Nations-Unies ont déjà fait état de 303 civils violés entre le 30 juillet et le 2 août 2010. L'embuscade des commerçants à Mungazi montre une fois de plus que la situation sécuritaire dans l'Est de la RD Congo est loin d'être sous contrôle, tant des aurorités congolaises que des casques bleus de la Monusco.
La présence des rebelles hutus des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) constitue le premier facteur de déstabilisation à l'Est de la République démocratique du Congo. Les racines de ce mouvement sont les conséquences du génocide rwandais de 1994. Les FDLR se composent d’anciens membres de l’armée du président rwandais Juvénal Habyarimana (FAR) et de miliciens Interahamwe. Après avoir été mis en déroute par les soldats du président Paul Kagamé à la suite du génocide, ils s’étaient regroupés en RDC pour fomenter une reprise du pouvoir à Kigali, en formant un groupe armé qui a finalement donné naissance aux FDLR. L’ancien président congolais Laurent-Désiré Kabila a conclu une alliance avec les FDLR pour lutter contre l’influence de Kigali dans l’est du Congo après 1998 et certains membres ont intégré son armée. Mais Joseph Kabila, son fils, aujourd’hui à la tête de l’Etat congolais, a autorisé les troupes rwandaises à pénétrer en RDC en 2009 pour traquer les FDLR. Selon les estimations des sources du secteur onusien de la sécurité, les FDLR comptent aujourd’hui 3 000 hommes, contre 6 000 en 2009.

dimanche 7 novembre 2010

RDC : Quel avenir pour Laurent Nkunda ?

A la tête de quelques milliers de soldats dissidents, le général déchu tutsi congolais Laurent Nkunda a défié pendant des années le pouvoir de Kinshasa, qu'il accuse de discrimination contre ses "frères" de la minorité tutsie en République démocratique du Congo (RDC). Après un brusque retournement d'alliance, cet ancien allié de Kigali en RDC est arrêté le 23 janvier 2009 par l'armée rwandaise et détenu en résidence surveillée à Gisenyi au Rwanda. La République démocratique du Congo demande son extradition, mais le Rwanda refuse pour le moment de livrer l'encombrant général congolais détenteur de beaucoup trop de secret sur le régime de Paul Kagame.

A tout juste 40 ans, Laurent Nkunda, un homme mince et élancé, au visage émacié, mène une guerre d'usure contre une armée régulière en pleine restructuration, qu'il a souvent mise en déroute et qu'il accuse de connivence avec les rebelles hutus rwandais génocidaires de l'Est de la RDC. Nous sommes en 2007, le général rebelle fait la une de la presse internationale... dans moins de 2 ans, sa rébellion sera stoppée nette par son allié de toujours : l'armée rwandaise de son ex mentor, Paul Kagame.

Car, comme beaucoup d'autres Tutsis congolais, il a commencé sa carrière militaire dans les rangs du Front patriotique rwandais (FPR, ex-rébellion tutsie du Rwanda) qui mis un terme en juillet 1994 au génocide perpétré par le régime hutu de Kigali. Après deux ans au sein de l'armée rwandaise, il rejoint au Zaïre voisin la rébellion conduite par Laurent-Désiré Kabila (père de l'actuel chef de l'Etat congolais, Joseph Kabila) qui destitue le dictateur Mobutu en 1997,avec l'appui de l'armée rwandaise.

En 1998, alors que Kabila père a rompu avec ses anciens alliés, Nkunda devient l'un des commandants du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), une rébellion soutenue par Kigali pendant le conflit régional qui secoue l'ex-Zaïre jusqu'en 2003. Interrogé sur ses liens avec Kigali, Nkunda affirme avec ironie: "Mais nous sommes tous des soldats de l'armée rwandaise, (Joseph) Kabila aussi", rappelant que l'actuel président a été "formé dans le maquis" par James Kabarebe, chef de l'armée rwandaise. Il dément tout appui militaire de Kigali, bien que nombre de ses hommes - estimés à 5.000 par l'ONU - portent un uniforme rwandais et soient équipés d'appareils de communication dernier cri.

Après la guerre, alors que le RCD intègre le gouvernement de coalition à Kinshasa, Nkunda est promu général, mais refuse de prendre son poste, dénonçant une réforme de l'armée fantaisiste ne permettant pas "la réconciliation nationale" promise. "Je n'ai pas choisi de faire la guerre. A l'origine, je devais être infirmier, mais je dois répondre à l'appel des populations menacées", affirme cet enfant du pays, né le 2 février 1967 à Mirangi (Nord-Kivu).

Les années rebelles

C'est en juin 2004 qu'il fait trembler la République pour la première fois en s'emparant brièvement de la capitale du Sud-Kivu, Bukavu, où il affirme défendre ses "frères" tutsis. Déchu de l'armée, il est visé depuis septembre 2005 par un mandat d'arrêt pour des crimes de guerre perpétrés par ses hommes à Bukavu. "Je me battrai tant que les Interahamwe (extrémistes hutus rwandais) seront ici", répète-t-il, se défendant d'oeuvrer à une partition du Congo, débouché naturel pour un Rwanda surpeuplé et pauvre en minerais. "Il y a quelque chose de mystique chez lui. Il est entouré des pires assassins, recrute sans vergogne des enfants, mais est très croyant et est persuadé d'avoir une mission", affirme un expert de la région.

Après les élections de 2006 en République démocratique du Congo (RDC), Nkunda tente une nouvelle fois de déstabiliser l'Est de la RDC. En décembre de la même année, le Burundi l'accuse, ainsi que James Kabarebe (maintenant ministre de la défense du Rwanda) et Salim Saleh, d'avoir fomenté une tentative de coup d’État au Burundi.

2007, l'année de tous les dangers

Le 18 janvier 2007, Nkunda annonce pourtant que ses hommes ont commencé à rejoindre les rangs des forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à la suite de négociations menées à Kigali, au Rwanda. Néanmoins, la première moitié de 2007 se caractérise par de nombreux combats à l'Est forçant des dizaines de milliers de civils à prendre la fuite. Laurent Nkunda accepte finalement de "brasser" ses troupes avec les troupes gouvernementales. Les accusations d’occupation de l’Est de la RDC, de pillages de ses ressources et de tentative de déstabilisation du Gouvernement de la République démocratique du Congo s’amplifient de plus en plus durant la première moitié de 2007.

La tension monte encore d’un cran en mai 2007 lorsque Nkunda menace de retirer ses soldats des rangs de l'armée nationale, lorsque la MONUC dénonce publiquement la présence de troupes rwandaises et ougandaises en RDC. Début décembre 2007, une très importante offensive gouvernementale encadrée par la MONUC est lancée contre Nkunda à Mushake et contre son fief. Elle se solde en une dizaine de jours par une sévère déroute et des milliers de morts dans les rangs des troupes gouvernementales congolaises. La MONUC a été accusée d'avoir fait défaut aux troupes gouvernementales. Laurent Nkunda inquiète sérieusement Kinshasa.

2008, Nkunda aux portes de Goma
Le 26 août 2008, Laurent Nkunda lance une nouvelle offensive qui lui permet d'agrandir la zone qu'il contrôle dans le Nord-Kivu et d'amener ses troupes à quelques kilomètres de Goma à fin octobre. L'armée congolaise ayant abandonné la ville, la Monuc n'a pas pu lancer de contre-offensive : son mandat est d'appuyer les autorités officielles congolaises dans leurs efforts pour rétablir leur contrôle sur le territoire national, mais pas de contrer une opération rebelle en soi. Nkunda a cependant renoncé à prendre la ville et a déclaré le 29 octobre un cessez-le-feu unilatéral puis demandé l'ouverture de négociations à Kinshasa.
Le 23 janvier 2009, l'inspecteur général de la police de la République démocratique du Congo annonce l'arrestation de Laurent Nkunda la veille au Rwanda ; le général déchu avait franchi la frontière alors qu'une opération conjointe des forces congolaises et rwandaises reprenaient le contrôle du territoire conquis par le CNDP avant qu'une faction anti-Nkunda ne décide de se rallier au gouvernement de Kinshasa. Laurent Nkunda avait en effet été démis de ses fonctions par un de ses subalternes le 5 janvier, ce qui avait entraîné une scission du CNDP. Depuis lors, Nkunda attend toujours d'être jugé par son allié d'hier... en vain. Le général rebelle est devenu très gênant par Kinshasa comme pour Kigali et le status quo arrange tout le monde... sauf Nkunda qui réclame un procès.

Evasion ?

Ce stratège protestant, marié et père de quatre enfants, savait qu'il "n'était rien sans l'appui de Kigali" et qu'il devrait un jour négocier un exil ou rendre compte pour les crimes de Bukavu et son implication dans la répression sanglante d'une mutinerie à Kisangani (nord-est) en 2002. Pour l'heure son avenir se résume à sa résidence protégée de Gisenyi... à une encablure de la RD Congo voisine.

Selon Joska Kaninda du journal le millénaire, "beaucoup pensent que pour contenter la communauté tutsi et assurer la surveillance des frontières congolaises, le président Kagame aura toujours besoin du soutien de Laurent Nkunda". Mais Nkunda ne peut pas rester pas éternellement en prison.

"Ce tutsi congolais jouit d’une certaine estime de la communauté tutsi de par le monde en plus que ses avocats ne cesseront pas de multiplier des pressions pour obtenir son élargissement. A plusieurs reprises Laurent Nkunda a décliné l’offre d’aller dans un exil doré. Il n’est donc pas exclut que son évasion soit organisée pour qu’il se retrouve à nouveau à l’Est du Congo pour faire le bouchon contre les FDLR" conclut Joska Kaninda.
Christophe Rigaud

samedi 6 novembre 2010

Meurtre de Chebeya en RDC: le chef de la police pas poursuivi, "déni de justice"

L'ONG congolaise la Voix des sans voix (VSV) a dénoncé un "déni de justice" après le renvoi du dossier du meurtre à Kinshasa du défenseur des droits de l'homme Floribert Chebeya Bahizire devant une cour militaire qui ne peut juger le chef de la police, "suspect numéro un" selon la VSV.

Meurtre de Chebeya en RDC: le chef de la police pas poursuivi,

"Le transfert du dossier devant le cour militaire signifie que seuls les autres suspects (...) comparaîtront devant cette juridiction alors que des plaintes et autres éléments ont été mis à charge" du chef de la police, le général John Numbi, "suspect numéro un", écrit la VSV dans un communiqué cité par l'agence de presse associée (APA), reçue vendredi à Bruxelles. Le général Numbi "n'est pas justiciable devant la cour militaire", qui juge uniquement des officiers de grade égal ou inférieur à celui de colonel, contrairement à la haute cour militaire, regrette l'ONG en dénonçant un "déni de justice". Selon l'ONG, cinq policiers, arrêtés peu après le meurtre, devraient prochainement comparaître devant la cour militaire de la Gombe, le quartier chic de Kinshasa: le colonel Daniel Mukalay, chef des services spéciaux, deux majors et deux autres policiers. Le général Numbi a été suspendu dans le cadre de l'enquête. La VSV a réclamé une nouvelle fois son arrestation.

mercredi 3 novembre 2010

Exploitation illégale des minerais: les FARDC et les FDLR pointées du doigt

 

Un nouveau rapport commandé par l’Union européenne indique que les Forces armées de la RDC (FARDC) et les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) exploitent illégalement les ressources minières dans une partie de l’Est de la RDC. Ce rapport porte sur l’exploitation minière et le commerce des minerais au Kivu, au Nord Katanga, au Maniema et dans les territoires de Mambasa et de Bafwasende en Province orientale. La situation est grave dans le territoire de Bafwasende en province orientale affirme ce rapport.

Ce document traite des ressources minières de la zone, il présente les principaux sites d’exploitation et se focalise sur les violations des droits de l’homme et l’implication des groupes armés ainsi que de l’armée nationale congolaise dans l’exploitation des zones minières.

L’armée congolaise, certains hommes d’affaires et des politiciens tirent de gros bénéfice du commerce illégal des minerais, surtout à Bafwasende indique-t-on dans ce document.

Steven Spittaels, auteur de ce rapport affirme: « Il y a une présence assez forte des services de sécurité et dans certains coins il y a aussi une implication dans les activités minières notamment à Bafwasende où la situation est plus visible.»

Le rapport accuse également les rebelles des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR) des mêmes activités illégales au Nord Katanga et au Maniema.

Pour le Nord Katanga, le rapport précise que ce sont les FARDC qui réalisent des profits dans plusieurs autres sites de grande ampleur. Le rapport sera officiellement publié à Anvers en Belgique au début du mois de novembre 2010.

Le commandant de la 9è région militaire estime que ce rapport ne correspond pas à la vérité. Interrogé à Kinshasa par la radio onusienne Okapi, le général Jean-Claude Kifwa a déclaré: « Depuis notre avènement à la 9ème région militaire la situation s’est beaucoup améliorée. Je comprends bien ce qui se passe dans le territoire de Bafwasende parce que nous avons le parc de la Maïko. Ce parc touche trois provinces , il y a la province du Maniema et il y a aussi la province du Nord Kivu et c’est une zone opérationnelle parce que il y a les groupuscules Maï Maï, réfractaires au processus de brassage, qui continuent encore à semer la mort et la désolation dans ce secteur.»

Ces Maï Maï et quelques Congolais de la contrée exploitent illégalement les minerais, a-t-il poursuivi.

« Depuis que les FARDC ont pris le contrôle, ces cas d’exploitation illégale ne sont plus signalés », a déclaré le général Kifwa.

Kinshasa, 29/10/2010 (Okapi/MCN, via mediacongo.net)

Complexité de la gouvernance des ressources minières

Congo-Kinshasa: Nord-Katanga, Maniema et Ituri - International Alert préoccupée par la complexité de la gouvernance des ressources minières. Le gouvernement est appelé à faire de l'arrière-pays une priorité en y installant des comptoirs officiels pour améliorer la traçabilité de l'exploitation minière et la transparence pour le suivi de celle-ci.
La production des minerais étant assez importante dans les provinces voisines de deux Kivu. C'est l'une des recommandations de la table ronde de « La complexité de la gouvernance des ressources minières : analyse du secteur minier dans les provinces voisines de deux Kivu » organisée, hier mercredi 27 octobre, au restaurant Le Gourmand du Cercle de Kinshasa par l'ONG britannique International Alert.
Le directeur de l'International peace information service (Ipis), Steven Spittaels, qui a présenté les résultats de cette recherche financée par l'Union européenne, a également fait savoir qu'entre autres recommandations, il s'agit, pour le gouvernement, de poursuivre notamment le programme de Désarmement, démobilisation (DDR) des combattants dans la vie sociale ; et de responsabiliser davantage les provinces pour la gestion des minerais ; et de doter les provinces productrices des minerais d'une coordination régionale pour échange d'informations.
A signaler que les résultats de cette recherche répondent à trois objectifs, à savoir identifier les mines les plus importantes de l'arrière-pays de l'Est de la RDC et leurs routes commerciales ; d'analyser les réseaux commerciaux au sein du secteur minier et leurs liens avec les acteurs militaires, économiques et politiques dans l'Est de la RDC ; et analyser les réseaux commerciaux d'exportation qui passent par les centres régionaux des pays voisins ». Ce, en vue d'endiguer, entre autres, la fraude douanière et l'évasion fiscale. L'Etat congolais enregistrant un manque à gagner considérable.
L'International peace information service a, dans sa conclusion, fait valoir que tous les minerais en provenance du Nord-Katanga, de la province du Maniema et du district de l'Ituri (Mambassa) dans la Province Orientale transitent dans les provinces du Sud-Kivu et du Nord-Kivu avant d'être exportés. Cette ONG a noté aussi la présence des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) au Nord-Katanga et au Maniema.
Où ils ne contrôlent pas les sites miniers, mais s'adonnent à des exactions à l'endroit de la population civile et brûlent les maisons. Ils sont devenus des coupeurs de route et se font payer des taxes.
Quant aux Forces armées de la RDC, elles sont aussi présentes en grand nombre dans les carrés miniers. Elles forcent des jeunes gens à travailler pour leur compte.
Pour leur part, quelques groupes Maï-Maï sont encore opérationnels. La situation est pire à Bafwasende dans la Province Orientale. IPIS fait observer que les enquêteurs n'ont pas pu avoir accès aux sites miniers bien gardés par des hommes en uniforme.
L'ORGANISATION ECONOMIQUE DES GROUPES ARMES
Une autre recherche complémentaire a été menée principalement au Sud-Kivu par l'Observatoire gouvernance et paix (OGP) basée à Bukavu. Lequel a mené une enquête sur « L'organisation économique des groupes armés étrangers et nationaux au Sud-Kivu pendant l'Opération Amani Leo ». Pour le directeur de cette ONG nationale, Eric Kajemba, présentateur des résultats, l'identification des groupes armés, prendre connaissance de leurs moyens de subsistance, l'identification de leur mode d'approvisionnement en armes et vivres constituent, entre autres, les objectifs de cette étude. Dont les grandes lignes comprennent l'exploitation des carrés miniers par des groupes armés qui s'effectue sous la protection des officiers des FARDC basés localement et à Kinshasa.
Il s'agit aussi de la coalition entre des groupes Maï-Maï et les FDLR ; de la recherche effrénée d'argent par les FARDC, de la question de l'autorité de l'Etat qui se pose avec acuité ; de l'impact négatif de la suspension de l'exploitation et de la commercialisation des minerais au Sud-Kivu, au Nord-Kivu et dans le Maniema. Cela avec la recrudescence du banditisme urbain, la hausse du taux du dollar américain par rapport au Franc congolais et celle des produits de première nécessité.
Propositions : moderniser l'armée et la sécurité, mettre fin à l'impunité, parvenir à la traçabilité de l'exploitation minière, permuter régulièrement les militaires et leur payer une solde pouvant leur permettre de nouer les deux bouts du mois, lever la mesure de suspension invoquée ci-haut et encourager les exploitants artisanaux à s'organiser en coopératives