lundi 22 juin 2009

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RD Congo : Willy Mishiki à RFI - « l’opération Kimia II est un échec »

Source: Le Potentiel

Date: 19 Jun 2009

Par Le Potentiel

Willy Mishiki, leader politique et chef coutumier de Walikale dans le Nord-Kivu a été interviewé hier jeudi par Ghislaine Dupont de RFI sur la situation qui prévaut dans cette partie de la RDC après l'opération « Umoja Wetu ».

G.D : Les autorités congolaises, plus particulièrement le gouvernement à Kinshasa affirment qu'à l'Est du pays, la situation est en voie de pacification dans le Kivu. vous qui vivez sur le terrain, constatez-vous la même chose ?

W. M. : Sincèrement, la réalité est contraire sur le terrain. La situation est en train de se détériorer notamment, c'est le cas de Walikale où souvent l'on constate que la plupart des massacres qui sont commis se passent là où il y a les militaires des FARDC. Evidemment,les FDLR, la plupart sont des intellectuels ! Ce sont des stratèges ! Ils essayent de commettre des massacres là où se trouvent nos militaires. Cela donne l'impression que ce sont des FARDC qui le font. Ainsi, cela crée un sentiment de méfiance entre la population locale et les troupes gouvernementales.

Mais par contre, dans les territoires occupés par les FDLR, il n'y a pas les mêmes massacres, il n'y a pas de viols. Ce qui fait croire que dans les milieux occupés par les FDLR, c'est là qu'il y a la sécurité. Cela a été constaté aussi dans le sud de Lubero où la plupart des massacres sont commis à quelques mètres soit de la position de la Monuc, soit des FARDC.

A votre avis, les FARDC disposent de suffisamment de moyens pour mener des opérations de façon efficace ?

Pas du tout. Nous avons parlé à certains d'entre eux. En tout cas, il se pose un problème de moyens, de vivres, de solde payée irrégulièrement ou insuffisante. Je crois que ces troupes-là sont fatiguées ! Nous pensons qu'il est temps de pouvoir les remplacer par des troupes tout à fait neuves qui n'ont pas participé àdes opérations précédentes.

Quel bilan tirez-vous de l'opération qui avait été menée conjointement par les armées congolaise et rwandaise ?

En tout cas, nous tous avons soutenu l'opération « Umoja Wetu » qui avait suscité beaucoup d'espoir. Il a fallu beaucoup d'efforts mais l'opération n'a pas mis beaucoup de temps. Il y a eu, par exemple dans le territoire de Walikale seulement deux semaines. Dans l'ensemble de la province du Nord-Kivu, il y a eu, environ un mois. Ce n'est pas assez pour faire le travail auquel on s'attendait. Malheureusement, le travail qui devrait être finalisé par les FARDC et la Monuc n'a pas été suivi. Après le retour des Rwandais, les FDLR sont revenus en force où il a eu même des représailles à l'égard des populations civiles qui ont soutenu l'opération «Umoja Wetu ».

Aujourd'hui, nous pensons qu'il s'agisse de l'opération « Umoja Wetu » ; ou de l'opération « Kimia II », c'est vraiment un échec. Parce qu'on n'arrive vraiment pas à mettre fin à la présence des FDLR. Cela nous prendra beaucoup d'années pour mettre fin à la présence des FDLR dans la province du Nord-Kivu et même dans l'Est du pays. Je crois qu'il faudra envisager une autre stratégie; changer de méthode, et pourquoi pas envisager même la possibilité de pouvoir restreindre les opérations avec les Rwandais qui sont motivés et intéressés pas l'affaire.

Nous pensons qu'il faudra envisager une opération massive qui les prendra par derrière, c'est-à-dire on barricade des provinces de Maniema et la Province Orientale et on arrive par derrière pour les pousser vers le Rwanda. C'est l'unique solution pour les pousser vers la frontière rwandaise et ainsi que tous ceux qui étaient pris en otage par les FDLR. Notamment, ceux qui sont recherchés aujourd'hui pour avoir commis le génocide pouvaient être libérés et procéder au rapatriement volontaire au Rwanda.

Il faudra envisager aussi des solutions politiques pour tous ceux qui estiment qu'aller au Rwanda, c'est aller se faire massacrer. Il faudra aussi instaurer au Rwanda un tribunal pénal international comme la CPI à La Haye soit un tribunal pénal d'Arusha qui peut régler les problèmes de ces militaires.

Cette insécurité suscite-t-elle des tensions entre les communautés congolaises dans la province ?

Absolument. On le voit déjà lorsque vous allez vers la frontière avec le Masisi comment les populations autochtones sont exterminées notamment les Tutsi congolais immigrés au Rwanda.

Cela crée une sorte de haine qui commence à se faire ressentir. La haine contre une ethnie. Personnellement, en tant que leader local, cela me fait peur parce que cela nous ramène vers les années 1990, où il y avait un problème interethnique. Ce qui va encore tout compliquer et même plus gravement que les guerres qui nous ont été imposées.

Décryptage par E.S.

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