mardi 27 janvier 2015

RDC: malgré l'adoption de la loi électorale, la prudence reste de mise

Les réactions à l'adoption de la loi électorale amendée en RDC ont été nombreuses dans le monde. Les Etats-Unis, tout comme l’Union européenne ou encore la Belgique saluent cette adoption, mais en termes mesurés. Les ambassadeurs et diplomates présents à Kinshasa n’ont pas ménagé leurs efforts ces derniers jours pour permettre un retour au calme. Mais ils savent que le risque de glissement du calendrier électoral n’est toujours pas écarté.
C’est une bataille de gagnée. Mais dans les chancelleries, on le sait, il est trop tôt pour crier victoire. Dans un communiqué, le département d'Etat américain « félicite » « le Sénat et l’Assemblée nationale pour leurs efforts » qui ont permis d'aboutir à un consensus, mais « exhorte » aussitôt « le président Kabila (…) à réaffirmer que la première transition pacifique à la tête de l'Etat aura bien lieu à travers une présidentielle en 2016. »
Même prudence du côté de l’Union européenne pour qui, certes « la voie est désormais ouverte » afin que des élections se tiennent dans les délais prévus, mais qui promet de « poursuivre » un dialogue « approfondi » avec les autorités à ce sujet. Autrement dit, pas question de relâcher la pression. Car même si le recensement n’est plus un préalable à tenue de la présidentielle, de nombreuses incertitudes demeurent.
« Avec cette loi, confie un diplomate, personne ne perd la face, mais le problème reste entier ». Comment financer ces élections ? Comment organiser cinq scrutins en moins de deux années et donc respecter les délais ? L'UE comme Washington demandent à la Commission électorale de publier au plus vite un calendrier global assorti d’un budget. Une demande qui est loin d'être nouvelle. Et qui s'est jusqu'à présent heurtée à un silence assourdissant de la part de la Céni.
Le calme est revenu 
 radiookapi.net
Après une semaine de troubles et de violences, le calme semble être revenu en RDC. Au lendemain d’un vote de compromis au Parlement sur la loi électorale à l’origine de la crise, il n’y a pas eu de nouvelles manifestations lundi, mais l’internet mobile et les SMS sont encore coupés par les autorités congolaises. Les étudiants, à la pointe de la contestation la semaine dernière, reprennent doucement le chemin des cours. Sur le campus de Kinshasa, la vie reprend son cours.
Par ailleurs, les émissions de RFI en FM à Kinshasa étaient toujours interrompues lundi soir.

lundi 26 janvier 2015

Calme précaire en RDC après l'adoption de la loi électorale

Calme précaire en RDC après l’adoption de la loi électorale


Les manifestations contre la réforme électorale ont fait entre 13 et 42 morts, selon les sources.

Après plusieurs jours d’émeutes et de manifestations dont le bilan s’établit, selon les sources, entre 13 et 42 morts, le Parlement congolais a finalement voté la révision de la loi électorale, dimanche 25 janvier. Sans l’alinéa 3 de l’article 8 à l’origine du mouvement de protestation de l’opposition. Celui-ci liait l’organisation de la présidentielle, prévue en 2016, à un recensement de la population.

Le recensement est une tâche colossale en République démocratique du Congo (RDC), vaste de plus de 2 millions de km², aux voies de communications délabrées et où la moitié du pays est déchirée par l’activisme de nombreux groupes armés. Plusieurs années pourraient être nécessaires pour le mener à bien. L’opposition y a vu d’emblée une manœuvre pour rallonger le mandat du président. Joseph Kabila au pouvoir depuis 2001 ne peut selon la constitution postuler à un troisième mandat.
Alors qu’il règne à Kinshasa un calme précaire, ce revirement du Parlement est commenté et accueilli diversement :
  • Lambert Mende, porte-parole du gouvernement
« Nous attribuons [ce revirement] à la nécessité de gérer cette incompréhension [des intentions du gouvernement] que nous-mêmes ne comprenons pas, et qui a fait croire aux gens que nous tenions à lier la présidentielle au recensement ».
Interrogé sur les violences mortelles, le porte-parole du gouvernement a souligné que leurs instigateurs seront « tenus pour responsables devant la justice ».
  • Vital Kamerhe, président de l’Union pour la nation congolaise (opposition)
Parmi les facteurs qui ont joué dans le retrait du texte, il y a « d’abord la cohésion au sein de l’opposition », se réjouit ce leader de l’opposition. « Nous nous sommes mis ensemble, nous nous sommes organisés pour impliquer la population dans la demande de retrait de l’alinéa 3 qui menaçait la constitution et l’alternance en 2016 »
  • Josaphat Musamba, chercheur pour le Centre de recherches et d’études stratégiques en Afrique centrale, basé à Bukavu (est du pays)
Les manifestations et la position du Sénat [celui-ci souhaitait que l’obligation de tenir les élections en 2016 soit inscrite dans la loi électorale] avait quant au projet de loi ont entraîné un « changement d’équilibre des forces » et les partisans de l’alinéa 3 dans sa version litigieuse ont eu « peur ». « La majorité s’est dit que si elle passait la loi, peut-être que le pays sera ingouvernable. Le gouvernement ne peut pas gérer en même temps la préparation des attaques contre les FDLR (rebelles hutu rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda), l’occupation des positions laissées par les groupes armés locaux et les tensions générées à Kinshasa, au Nord-Kivu et au Sud-Kivu (est) par la révision de la loi électorale ».
  • Fidel Bafilemba, chercheur pour Enough Project, une ONG américaine de lutte contre les crimes contre l’humanité et le génocide
« Les manifestations constituent un avertissement clair, et la majorité l’a compris. Je pense qu’ils ont eu plus que peur et que c’est pour cela qu’ils ont décidé de suspendre internet et les réseaux sociaux - alors que même les employés de l’Etat ne parviennent pas à joindre les deux bouts et que beaucoup survivent grâce à l’argent de la diaspora. Ces fonds n’ont pas pu arriver pendant quatre ou cinq jours en raison de la coupure du réseau », explique Fidel Bafilemba.

Le 20 janvier, la police a ouvert le feu sur des manifestants à Kinshasa.
  • Fred Bauma, militant au sein du groupe de jeunes Lutte pour le changement (Lucha), basé à Goma
« Pour une fois, la population a manifesté avec beaucoup d’insistance pour que cet article soit revu ou retiré complètement. Le fait que le gouvernement puisse retirer l’alinéa c’est d’abord une victoire. Il a pris cette décision après avoir compris qu’il y avait beaucoup plus de risques que la situation dégénère si le texte était voté » dans sa version contestée. « Or, on a vu que la police n’arrivait pas à maîtriser les mouvements des manifestants : en trois jours de manifestations, ils ont tué 40 personnes, c’est quand même assez grave ! »
  • Chadrak, étudiant à l’université de Kinshasa
« Dès le départ, les étudiants savaient que le président [de l’Assemblée nationale] n’aurait pas une autre réaction que celle-là. Il ne pouvait pas faire autrement. » La décision de l’Assemblée de supprimer l’alinéa 3 « montre que des étudiants ne sont pas morts pour rien, que leur disparition, qui nous fait mal, que la lutte pour laquelle ils sont morts est arrivée à son terme ».
  • Claude, étudiant à l’université de Kinshasa
« Tout le monde maintenant est devenu vigilant, tout le monde suit ce qui se passe à l’Assemblée nationale et au Sénat avec beaucoup de prudence. Mais il ne fallait pas que l’on attende que le sang coule pour comprendre que les gens ne voulaient pas de cette loi. Maintenant, que le sang a coulé, ils retirent cet alinéa : c’est regrettable, il ne fallait pas en arriver là ! »

vendredi 23 janvier 2015

RDC : la loi électorale, à l’origine de graves violences, a été modifiée

La loi électorale a été modifiée en République Démocratique du Congo. C’est elle qui était à l’origine des troubles meurtriers de ce début de semaine à Kinshasa.
Dans une assemblée isolée par un périmètre de sécurité, les 80 sénateurs ont adopté à l’unanimité des présents un texte modifiant l’article le plus litigieux de ce projet de révision de la loi électorale.
Car à la base, le projet de loi électorale ouvrait la possibilité d’un report de la présidentielle, censée avoir lieu fin 2016, ce qui aurait permis au président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se maintenir à la tête de l’Etat au-delà de la fin de son mandat.
L’amendement de la loi par le Sénat est donc de nature à calmer les manifestations et leur répression, qui a fait des dizaines en RDC depuis lundi.

lundi 5 janvier 2015

La rage taxatoire s’attaque à Panzi, l’hôpital du Dr Mukwege

Depuis le 31 décembre, l’hôpital de Panzi (Sud Kivu) dirigé par le Dr Mukwege est en crise : les 500 membres du personnel n’ont pu être payés parce que les réserves financières de l’institution, après avoir été bloquées, ont été versés par la banque BCDC au Trésor public, la Division générale des impôts exigeant le versement immédiat
d’une somme de 47.865 dollars.
1. Quel est le statut de l’hôpital de Panzi ?
L’institution créée en 1999 par la 8eme CEPAC (Communauté chrétienne des églises du Christ au Congo) possède le statut d’hôpital de référence pour la zone de santé d’Ibanda, au Sud de Bukavu. Au titre de médecin-chef, le Docteur Denis Mukwege, est donc un agent de l’Etat congolais, comme les autres membres du personnel. Au fil des années, Panzi s’est spécialisé dans l’accueil, le traitement médical et le suivi psycho-social des femmes victimes de violences sexuelles : 40.000 d’entre elles ont bénéficié des opérations, parfois très délicates, des soins et des secours matériels proposés par l’hôpital.
2. Quelles sont les ressources de Panzi ? Soixante pour cent des patients (femmes, malades du Sida, indigents) étant insolvables et soignés gratuitement l’essentiel des ressources de l’hôpital vient de contributions extérieures, coopérations étrangères ou dons. Ces apports permettent non seulement de fournir des soins de qualité auxquels s’ajoute un volet social, mais ils permettent de payer des primes qui s’ajoutent au salaire officiel du personnel, où un médecin perçoit 70 dollars par mois. A noter qu’une telle pratique existe dans l’enseignement aussi, où les versements réclamés aux parents permettent de payer des primes aux enseignants. Jusqu’à présent, dans aucun secteur de la fonction publique, ces primes ne sont taxées.
Grâce aux plaidoyers internationaux du Dr Mukwege, les soutiens extérieurs se sont multipliés et de nombreux prix ont permis le développement de la « Fondation Panzi », qui assure un soutien psychologique et matériel aux femmes victimes de violences. Régulièrement audité par les bailleurs (Banque Mondiale, Union européenne..) qui vérifient la régularité des comptes, Panzi est devenu une référence médicale dans la région, au même titre que l’hôpital Heal Africa à Goma.
2. Quelle est la crise survenue fin décembre 2014 ?
Le personnel de l’hôpital de Panzi, le 31 décembre, a mené un « sit-in » devant le siège de la Division générale des impôts à Bukavu, afin de protester contre le non paiement des salaires, du au fait que les comptes de l’hôpital ont été vidés avec la complicité du siège local de la banque BCDC. Cette saisie n’est que l’un des éléments d’un recouvrement plus large, la DGI estimant que les impôts dus, depuis 2012, avec effet rétroactif, s’élèvent à un total de 600.000 dollars. Depuis deux ans en effet, une loi impose à toutes les structures travaillant pour l’Etat de s’acquitter d’un impôt portant sur les salaires du personnel. Cependant, tous les hôpitaux de référence du pays en ont été dispensés jusqu’à présent. Panzi considère comme discriminatoire le fait d’être le seul hôpital à devoir s’acquitter de cette taxe qui porte non seulement sur les salaires officiels mais aussi sur les primes rendues possibles par des contributions extérieures.
3. La taxation de l’hôpital de Panzi a-t-elle un aspect politique ?
Les nombreux prix remportés par le Docteur Mukwege suscitent bien des jalousies : les uns s’inquiètent de sa notoriété croissante, d’autres s’interrogent à propos de la destination donnée aux fonds reçus par le médecin-chef de Panzi. La réalité est cependant très simple : le docteur Mukwege est rémunéré comme un agent de l’Etat congolais, tandis que les prix et récompenses qu’il reçoit servent à financer la Fondation Panzi, une fondation privée, dont les comptes sont régulièrement audités.
Les actions de la Fondation Panzi sont multiples : création de cliniques mobiles soignant les malades dans les régions reculées, de cliniques juridiques assurant la défense juridique des victimes, actions psycho sociales visant à réhabiliter les femmes sur le plan psychologique et matériel, campagnes d’opérations destinées à opérer les femmes souffrant de fistules vésico vaginales.
La « rage taxatoire » actuelle pourrait avoir un soubassement politique, depuis que les plaidoyers menés par le Dr Mukwege ont fait de lui le lauréat du prix Sakharov 2014 et un possible candidat au prix Nobel de la paix.
Mais surtout, le Docteur Mukwege s’est aventuré sur un terrain glissant : dénonçant l’impuissance de la communauté internationale, il a aussi critiqué l’autorité congolaise, estimant qu’elle était incapable de protéger efficacement les populations civiles. Estimant qu’il avait le droit de s’exprimer en tant que simple citoyen, le médecin-chef de Panzi a aussi critiqué les projets de modification de la Constitution et, sa notoriété aidant, il est devenu, presque malgré lui, un leader d’opinion, ce qui l’a exposé aux suspicions du pouvoir et au zèle des « petits chefs »…
Dans l’immédiat, le personnel de Panzi, lui, craint de ne plus pouvoir assurer les soins aux malades, acheter des médicaments et poursuivre le fonctionnement normal d’un hôpital où les femmes de la région retrouvent force et espoir…
Article de : Le carnet de Colette Braeckman


vendredi 2 janvier 2015

Echéance de l'ultimatum aux FDLR en RDC





C'est ce 2 janvier que se termine officiellement l'ultimatum lancé aux rebelles hutus rwandais. Deux organisations sous-régionales, la CIRGL et la SADC avaient donné cette date limite aux FDLR pour désarmer volontairement et rejoindre les camps de cantonnement. Or aujourd'hui, ils sont moins de 400 combattants sur 1500 à 3000, selon les estimations, à avoir rejoint les centres de transit mis en place par la Monusco.
Le gouvernement congolais se dit prêt à lancer les opérations contre les FDLR. La Monusco ne dit pas autre chose et pourtant, il pourrait ne rien se passer dans les prochains jours.


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Les envoyés spéciaux pour les grands lacs - Etats-Unis, Union Européenne, Union Africaine, Belgique - devraient publier une déclaration ce vendredi car les forces des FDLR qui n'auraient pas désarmé d'ici ce 2 janvier devraient être neutralisés lors d'opérations militaires conjointes de l'armée congolaise et de la brigade d'intervention de la Monusco. Fermeté affichée : il faut que les opérations militaires débutent le plus rapidement possible. Et coup de pression sur la Monusco et surtout sur le gouvernement congolais, accusé de traîner les pieds depuis un an. En principe, il faudrait tout de même attendre la mi-janvier et un sommet de la CIRGL et de la SADC – artisans de l’ultimatum – pour valider l’option militaire. Mais au cours de ces derniers mois, on a assisté à des dissensions entre les deux organisations sous-régionales.
La Conférence internationale pour les grands lacs, présidé par l’Angola, est la principale concernée puisqu'elle inclut le Rwanda et la RDC. Mais les troupes de la brigade d'intervention de la Monusco – désignées pour les opérations - sont elles issues de pays de l’Afrique australe, c’est-à-dire la SADC et ses piliers, l'Afrique du Sud et la Tanzanie, perçus comme hostiles au régime rwandais. Le président tanzanien avait notamment soutenu en 2013 l'idée d'un dialogue entre le gouvernement rwandais et les FDLR, au grand dam de Rwanda.
Les FDLR - eux - demandent toujours et en vain l'ouverture de l'espace politique dans leur pays et même un dialogue, rejoignant en cela une partie de l'opposition rwandaise. Mais le conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis en tête, le Rwanda et l'Angola ne veulent pas en entendre parler. Pour eux, les FDLR, en tant que groupe armé dont certains leaders sont accusés d’être des génocidaires, doivent désarmer et rentrer chez eux sans contrepartie, ni garanties en terme de droits politiques ou choisir la route de l'exil.