lundi 11 décembre 2006

L'ex-dictateur Pinochet est mort

Encore une figure de l'histoire qui s'en va...



SANTIAGO, 11 déc 2006 (AFP) - L'ancien dictateur chilien, le général Augusto Pinochet, est mort dimanche à Santiago à l'âge de 91 ans et son décès survenu, le jour où l'on célèbre internationalement les droits de l'Homme, tourne une page noire de l'histoire du Chili auquel il a imposé l'un des régimes militaires les plus répressifs d'Amérique latine.

Augusto Pinochet est décédé à 14H15 locale (17H15 GMT) à l'hôpital militaire de la capitale chilienne où il avait été hospitalisé il y a une semaine après avoir été victime d'un infarctus du myocarde et d'un oedème pulmonaire.

Sa dépouille mortelle a été transportée de l'hôpital à l'Ecole militaire où une chapelle ardente a été dressée pour l'hommage militaire prévu mardi.

L'ancien président de facto (1973-1990) et ancien commandant en chef de l'armée (1973-1998), dont la dépouillée sera incinérée, recevra les honneurs militaires mais ne fera pas l'objet d'obsèques nationales ni d'un deuil national, conformément à la décision prise par la présidente du Chili, Michelle Bachelet.

De violents incidents ont éclaté à Santiago dimanche soir entre des manifestants célébrant sa mort et la police, faisant au moins six blessés parmi les policiers et conduisant à plusieurs arrestations. Les violences ont gagné plusieurs quartiers périphériques de Santiago, où les manifestants ont mis le feu à des barricades et à au moins trois véhicules, selon des sources policières, qui ont fait état de coups de feu. Des violences ont également été enregistrées dans une dizaine de villes du pays, selon le sous-secrétaire du ministère de l'Intérieur, Felipe Harboe.

Pinochet, qui a gouverné le Chili de 1973 à 1990, est mort peu après avoir été transporté dans le service d'urgence à la suite de complications. Son état, qui évoluait favorablement, s'était brusquement dégradé dimanche matin. Selon le docteur Ignacio Vergara, le chef de l'équipe médicale, Pinochet a été frappé d'une crise cardiaque multiple à 13H30 et est mort à 14H15 en dépit des soins prodigués par les médecins. "Il était entouré par sa famille" au moment du décès, a précisé le médecin.
Les opposants du général, en apprenant son décès, sont descendus par milliers dans la rue pour célébrer sa mort. Des voitures se sont mises à klaxonner et une centaine de personnes se sont rassemblées sur la Place d'Italie à proximité du centre de Santiago, lieu traditionnel des rassemblements à Santiago. Agitant des drapeaux chiliens et sautant de joie, des milliers d'opposants - pour la plupart des jeunes - dansaient, chantaient et festoyaient au nom de la "libération du Chili", selon un reportage de la télévision nationale chilienne.

L'ancien secrétaire général du gouvernement durant la dictature, Francisco Javier Cuadra a appelé les détracteurs de l'ex-général "à la modération". "Cela est lamentable, cela donne raison à ceux qui disent que la haine ne peut s'apaiser et que la société chilienne reste divisée au sujet de la figure de l'ex-dictateur", a ajouté M. Cuadra à la télévision nationale.

En revanche, ses sympathisants ont éclaté en sanglots en apprenant le décès du général. Très émus, les fidèles de l'ex-dictateur ont entonné l'hymne national chilien.
Des incidents ont éclaté dans la soirée à proximité du palais présidentiel lorsque la police a voulu arrêter une colonne d'un millier de manifestants qui célèbraient sa mort. La police a utilisé des canons à eau et des grenades lacrymogène tandis que les jeunes manifestants lancaient des bouteilles et des pierres sur les forces de l'ordre.
L'Eglise catholique a lancé dimanche soir un appel à la "sérénité et à la sagesse" aux partisans et détracteurs de Pinochet. Le président de la conférence episcopale, Mgr Alejandro Goic, a déclaré "nous ne pouvons vivre ancré dans le passé. Il est nécessaire d'affronter ce moment avec une profonde sérénité". Le général Pinochet s'était emparé du pouvoir à la suite d'un coup d'Etat le 11 septembre 1973 contre le président socialiste Salvador Allende et la répression sanglante qui s'ensuivit fit plus de 3.000 morts, selon les organisations de défense des droits de l'Homme.

Le dictateur, qui n'a jamais été condamné par la justice chilienne, a fait l'objet de nombreuses poursuites judiciaires pour violations des droits de l'Homme et corruptions après notamment la découverte de comptes secrets dans une banque aux Etats-Unis.

A Londres, l'ancien premier ministre britannique Margaret Thatcher, qui maintenait une relation suivie avec le général Pinochet, s'est dite "profondément triste".
La Maison Blanche a indiqué que "ses pensées allaient aujourd'hui aux victimes de son règne et à leur famille".

Des défenseurs des droits de l'Homme à Lima ont souligné l'ironie de ce décès survenu le jour où l'on célèbre internationalement les droits de l'Homme. "C'est une coïncidence ironique que lorsqu'on célèbre les valeurs de la vérité et de la justice dans le monde, un faiseur de crimes meurt", a déclaré l'avocat Francisco Soberon.

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