samedi 14 juillet 2012

LE RWANDA ACCUSÉ


Des rebelles du mouvement M23, dans la province du Nord-Kivu, en RDC, le 12 juillet.Des rebelles du mouvement M23, dans la province du Nord-Kivu, en RDC, le 12 juillet. | REUTERS/JAMES AKENA

La rébellion en cours dans l'est de la République démocratique du Congo met en position d'accusé le Rwanda qui, même s'il s'en défend, jouit par milices interposées d'une influence de longue date dans cette région frontalière regorgeant de matières premières, selon plusieurs experts. Un rapport des Nations unies a fait état le mois dernier de "preuves accablantes" selon lesquelles des officiers supérieurs rwandais "soutenaient les rebelles en leur fournissant armes, ravitaillement militaire et nouvelles recrues". Kigali, la capitale du Rwanda, a rejeté ce rapport, qualifié de "document préliminaire partial fondé sur des conclusions partielles".

Au sein du Mouvement du 23-Mars (M23), plusieurs centaines de soldats ont retourné leurs armes contre les forces armées congolaises (FARDC) ces derniers mois et les ont chassés en plusieurs points de la province du Nord-Kivu. L'est de la RDC a été placée sous haute surveillance, les autorités congolaises et les Nations unies craignant cette semaine que les mutins du M23

ne lancent une offensive contre Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Ces mutins sont issus d'une précédente rébellion du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), un mouvement congolais tutsi réputé être soutenu par le Rwanda afin de combattre, sur le sol congolais, les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). "Nous sommes dans une sorte de bégaiement, de répétition de crises", estime André Gichaoua, universitaire français spécialiste du Rwanda, qui évoque "une relation institutionnalisée" entre les rébellions tutsies en RDC et Kigali.

LE GÉNOCIDE DES TUTSIS EN TOILE DE FOND

Les Forces démocratiques de libération du Rwanda sont en effet accusées par Kigali d'avoir participé au génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 – huit cent mille morts selon l'ONU – et de représenter encore aujourd'hui une menace militaire contre le régime du président Paul Kagame, qui a mis fin aux massacres. C'est la raison pour laquelle le Rwanda a envoyé ses soldats dans l'actuelle RDC en 1996-1997 puis entre 1998 et 2002, avant, selon les experts, d'agir par milices interposées.

"Depuis la fin de la guerre, au début des années 2000, l'est de la RDC reste sous tutelle étrangère de facto, principalement du Rwanda. Le président Kabila passe son temps à négocier en position de faiblesse", selon M. Gichaoua. "On est à nouveau dans une phase de partage des dividendes (des richesses de la région), entre un partenaire qui ne peut les obtenir qu'au titre de rétrocession bienveillante de la part des tuteurs de la région, et un autre obligé d'accepter, pour ne pas avoir à assumer la reconnaissance qu'il occupe de facto un territoire étranger", poursuit cet expert à propos des autorités congolaises et rwandaises.

Le président rwandais, Paul Kagame, a réfuté cette interprétation, dans une interview à BBC World Service. "Nous n'avons absolument rien à voir avec cette insurrection du M23. Nous ne savons pas ce qu'ils sont ni ce qu'ils veulent", a-t-il affirmé. Mais même les Etats-Unis, parmi les plus proches alliés de Kigali, "ont appelé le Rwanda à stopper et à empêcher l'acheminement d'une telle aide (aux rebelles congolais) depuis son territoire".

La crise paraissait en tout cas en voie d'apaisement avec un accord jeudi du Rwanda, de la RDC et de leurs voisins pour "la mise en place immédiate d'une force internationale neutre pour éradiquer le M23".

Aucun commentaire: