Les soldats tutsis du M23 ont combattu mardi des miliciens hutus rwandais.
Il n'aura fallu que quelques heures après la fin de l'ultimatum imposé par les chefs d'États voisins pour que, déjà, de premiers combats reprennent. Vers 5 heures du matin, des tirs ainsi que des bombardements ont été entendus près du village de Kibumba, à 20 km au nord de Goma. Selon les autorités rwandaises et celles du mouvement rebelle M23, il ne fait aucun doute que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), une milice basée au Congo mais composée de Hutus rwandais, a encore frappé. Quelque 150 FDLR auraient pénétré le territoire rwandais pendant la nuit.
D'après le porte-parole des FDLR, ces hommes seraient partis défendre les populations hutues contre le «harcèlement» mené par le gouvernement rwandais. Les violences se sont poursuivies une partie de la journée. Vers midi, ils ont entamé un repli sur leurs bases du Nord-Kivu. Le FDLR est opposé au régime de Kigali et multiplie les exactions depuis 1994. Les autorités rwandaises reprochent à Kinshasa de soutenir les FDLR afin de lui nuire. Ce groupe armé a été formé en 2000 au Congo pour défendre les intérêts des Hutus rwandais réfugiés en RDC. Il compte dans ses rangs de nombreux responsables du génocide rwandais contre les Tutsis en 1994.
Sortie de nulle part, ce mardi, une longue colonne de soldats du M23 se dessine au loin. Leurs tenues militaires sont débraillées, certains sont en civils et portent de grosses caisses de munitions sur l'épaule. Les hommes marchent les uns derrière les autres, en ordre. Trois pick-up roulant à vive allure les rattrapent. À bord, une quarantaine de soldats, armés de mortiers et de lance-roquettes. Quelques mètres plus loin, ils arrêtent violemment un homme qu'ils suspectent d'être un indicateur des FDLR. Ils l'emmènent jusqu'à une prison pour l'interroger sur les positions et l'armement dont le groupe dispose. Alliés de longue date du régime de Kinshasa, les FDLR sont les ennemis jurés des hommes du M23. «Si nous les voyons passer par ici, nous les attaquerons. Ce sont des éléments nuisibles au Congo», décrit le lieutenant Paluka, à la tête de la garnison de Kibumba.
Caisses d'armes empilées
Derrière lui, ses hommes ne semblent pas vraiment prêts au combat. Ils s'échangent des treillis militaires pendant que d'autres préparent le déjeuner des troupes. Les soldats venus tout spécialement de Goma ont l'air davantage motivés, les recherches reprennent. À chaque village traversé, la population les regarde passer avec inquiétude. Au même moment, à Goma, la capitale du Nord-Kivu, les autorités du M23 annoncent un retrait possible de la ville sous 48 heures, à condition que Kinshasa réponde à leurs revendications. Le M23 demande notamment la liberté de mouvement pour l'opposant Étienne Tshisekedi ainsi que la dissolution de la Commission électorale congolaise. Mais les négociations s'annoncent encore difficiles et tendues. Quelques minutes après leur annonce, les demandes ont été aussitôt balayées par le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende.
À l'entrée de Goma, de nouvelles files de déplacés. Les habitants du village de Kibumba fuient cette nouvelle ligne de front. En quelques instants, ils enroulent leurs matelas et emportent des vivres, des casseroles. «La situation n'est plus sûre ici, les soldats du M23 nous ont ordonné de partir. On va essayer de rejoindre Goma et de trouver la paix», explique un enfant, un énorme baluchon sur le dos.
L'attaque des FDLR tombe à point nommé pour donner un prétexte, s'il était besoin, au Rwanda pour soutenir officiellement les rebelles congolais. Depuis plusieurs jours, les autorités du M23 multiplient les appels du pied, plus ou moins discrets, à Kigali et soulignent leur fragilité afin de recevoir cet appui.