lundi 17 mai 2010

MONUC: quand retirer le plâtre?

Sans atermoiements funestes et sans précipitation inconsidérée : cette formule célèbre, utilisée par le Roi Baudouin à propos de l’indépendance du Congo pourrait être reprise par le Conseil de Sécurité dont une délégation se trouve ce week end à Kinshasa. Initialement prévue pour avril, et retardée à cause du nuage finlandais, la délégation doit examiner les modalités du retrait de la Mission des Nations unies au Congo. « Il n’y aura pas de négociation, nous avons pris acte de la demande des autorités congolaises » a déjà déclaré un porte parole de l’ONU.
Il ya plusieurs mois déjà que le gouvernement congolais a déclaré qu’il souhaitait que la mission de la Monuc prenne fin d’ici novembre 2011 et un premier retrait de 2000 hommes devrait avoir lieu durant l’été 2010. Kinshasa espère aussi un redéploiement des effectifs, où les 18000 Casques bleus restants, jusqu’à présent déployés à travers tout le pays se concentrent sur les provinces de l’Est, où des opérations militaires sont toujours en cours, afin de démanteler les bases des rebelles hutus. Dans la foulée du 50eme anniversaire de l’indépendance du pays : à titre symbolique, le président Kabila souhaite que cette mission, qui représente une certaine tutelle de la communauté internationale, donne des gages de retrait afin de « responsabiliser » les autorités nationales.
La réalité est cependant moins simple : la Mission des Nations unies au Congo, la plus vaste des opérations de paix, totalise déjà dix ans dans le pays. Avec les milliers de fonctionnaires de son administration, de sa flotte aérienne, la plus importante d’Afrique, avec sa logistique et ses 20.000 Casques bleus, elle représente pratiquement un Etat dans l’Etat. Les Congolais éprouvent à l’égard de cette mission qu’ils appellent souvent « Monique » des sentiments partagés. Au Kivu, les populations civiles reprochent bien souvent aux Casques bleus de ne pas intervenir lors des massacres, de se contenter de compter les victimes et de publier des rapports. « Nous préférerions une coopération militaire avec un pays ami, ce serait plus simple et plus clair, car la Monuc, nous ne savons jamais ce qu’elle fait exactement, ni quels sont ses objectifs réels » assure Sylvain, un militant de la société civile. De Kiwandja à Bukavu, les exemples de l’impuissance ou de l’indifférence des Casques bleus sont légion. Cependant, les autorités reconnaissent que lors des opérations Kymia II ou Amani Leo, menées contre les rebelles hutus, le soutien logistique et même militaire de la Monuc a été décisif, tandis qu’en 2008, ce sont les mêmes Casques bleus qui ont empêché la ville de Goma de tomber aux mains du chef rebelle Laurent Nkunda.
Lors du dernier week end pascal, ce sont les casques bleus présents à M’Bandaka, la capitale de l’Equateur, qui ont aidé les troupes gouvernementales à défaire les rebelles Enyele qui s’étaient emparés de la ville et dont le chef vient d’être arrêté.
Si les Casques bleus, malgré le mandat de « peace making » (imposer la paix) dont ils disposent, sont souvent critiqués, les institutions civiles de la Monuc jouent un rôle important, qu’il s’agisse de l’observation des droits de l’homme ou de l’information, Radio Okapi, émettant sur l’ensemble du territoire, représentant la plus fiable des sources d’information.
Ces relais « civils » de la Monuc, s’ajoutant à sa logistique, sont également très utiles aux innombrables organisations internationales déployées au Congo qui multiplient enquêtes, rapports et mises en garde. Cet aspect de la « tutelle » internationale agace souvent les autorités et d’aucuns assurent que si le pouvoir souhaite que la Monuc plie bagages c’est aussi afin de réduire le nombre d’observateurs extérieurs. Par ailleurs, même si les infrastructures sont en train d’être reconstruites, il paraît difficile, en l’état actuel du pays, d’organiser les élections prévues pour 2011 en se passant de la logistique et de l’appui onusien. C’est pourquoi bon nombre d’organisations, comme Eurac (réseau européen pour l’Afrique centrale) plaident en faveur du maintien de la Monuc tandis que le gouvernement invoque sa souveraineté…
Le Ministre belge des Affaires étrangères Steven Vanackere a pour sa part préconisé une autre solution qu’un simple calendrier de retrait : il souhaite que le retrait graduel soit lié moins à des dates qu’à la réalisation d’objectifs. Parmi ceux ci figure évidemment le maintien de la paix, le renforcement des capacités de l’Etat, la protection des civils, la mise en place d’un état de droit. Ce point de vue, partagé par les Etats unis, rejoint celui du secrétaire général de l’ONU, qui craint un retrait précipité. Alors que les autorités congolaises estiment que, d’ici un an, l’armée gouvernementale devrait être à même d’assumer ses responsabilités et de maintenir la paix, la communauté internationale, après dix années de présence, estime, comme M. Vanackere, que le Congo aura encore besoin des efforts de l’ONU pendant quelques années. A quel moment le blessé peut-il être considéré comme guéri de ses fractures et à l’abri de nouvelles rechutes? Pour le savoir, il faut retirer le plâtre, mais une telle décision est difficile à prendre…