mercredi 5 mai 2010

Un Belge au piège des magouilles africaines ou victime… de son imagination

Manipulateur doué ou victime naîve d’un piège savamment tendu? C’est le 31 mars que Filip Saks s’est présenté dans les locaux du « Soir ». Il se disait traqué, menacé, depuis, disait-il qu’il avait refusé d’aller plus loin avec des Africains avec lesquels il était en « relations d’affaires ». Les noms cités par cet homme qui se disait introduit dans les milieux diamantaires d’Anvers étaient de nature à faire réfléchir : outre Bula Mandungu, un citoyen de Waterloo d’origine congolaise qui s’était présenté à lui comme le fils d’un ancien gouverneur de province du temps de Mobutu, Saks donnait force précisions sur les relations qu’il avait entretenues avec Fabien Singaye et avec Jean-Luc Habyarimana, fils de l’ancien président du Rwanda, ainsi que d’autres Africains originaires du Tchad ou du Gabon et portant curieusement des noms…à consonnance rwandaise…ccuse

Fabien Singaye est une figure connue de la « Françafrique » : au début des années 90, deuxième secrétaire à l’ambassade du Rwanda en Suisse, ce beau fils de Félicizen Kabuga, l’un des financiers du génocide, fut déclaré persona non grata car il espionnait des opposants rwandais pour le compte du régime. Installé en France, selon une enquête menée par la revue XXI, il travailla avec le capitaine Paul Barril, servit d’interprète au juge Bruguière et de « facilitateur » en République démocratique du Congo pour la société française Areva, maîtresse de l’uranium africain. Pour confirmer ses dires et ses relations, Saks nous montra une carte de visite de Singaye, le présentant comme le conseiller spécial du président de Centrafrique François Bozizé.
Durant de nombreux mois, Filip Saks fut en contact avec ce groupe d’Africains. Leurs intérêts, assure-t-il, convergeaient : ils avaient besoin de lui pour des tractations financières et lui-même, doté d’un passeport diplomatique de la République démocratique du Congo qui lui avait été délivré par l’intermédiaire de Mandungu, souhaitait, disait-il, créer en Afrique une fondation humanitaire portant le nom de Josephine Baker ! Quant aux Africains, il apparut bien vite que leurs collectes de fonds, leurs opérations financières, avaient aussi une finalité politique : se vantant de pouvoir compter sur de très nombreux partisans, ils assuraient récolter des sommes importantes, ventilées auprès des différents membres de la famille Habyarimana et ils n’auraient pas caché au Belge leur intention de renverser le régime du président Kagame à Kigali sinon celui de Joseph Kabila! A la lumière des derniers évènements au Rwanda (attaques à la grenade, arrestations) et au Congo (attaques dans la région de l’Equateur, auxquelles participaient des anciens de la Division spéciale présidentielle de Mobutu) les confidences que Saks assurait avoir recueillies étaient pour le moins prémonitoires.
Litige à propos d’une pierre particulièrement rare (un topaze blanc de 600 carats) ou désaccord d’ordre politique ? Filip Saks assure qu’ayant eu vent d’un « contrat » sur la tête de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères et artisan de la réconciliation entre Paris et Kigali, il aurait précipité la rupture avec ses partenaires africains, ne pouvant acceter d’être impliqué dans des projets criminels !
Lorsque nous l’avons rencontré, Filip Saks, proclamant qu’il en savait trop, craignait pour sa vie. Le lendemain, à la suite d’une plainte déposée par Bula Mandungu, six policiers du Brabant wallon vinrent se saisir de lui à Anvers et l’emmenèrent à la prison de Nivelles. Détenu depuis un mois, il crie à la manipulation, assurant que ses adversaires, pour le réduire au silence, lui ont tendu un piège. Ses deux co-inculpés ayant déjà été libérés, il lui reste à convaincre les enquêteurs et à apporter la preuve de la véracité de ses propos…
Du côté de ses adversaires, la version est radicalement opposée: Bula Mangungu accuse le Belge d’avoir envoyé à son domicile d’étranges “recouvreurs de dettes”, deux ressortissants marocains bien connus de la justice qui l’auraient menacé. Ces deux individus ont été considérés par les enquêteurs comme de simples exécutants.

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