lundi 14 mars 2011

Région des Grands Lacs - Coopération sur l’exploitation des minerais

Six mois après la signature d’un décret interdisant l’extraction des minerais dans l’est de la République Démocratique du Congo, le Président congolais Joseph Kabila a décidé la levée de cette interdiction et la reprise de l’industrie minière au Kivu. Cette décision, supposée permettre la mise en place d’un cadre légal autour de l’exploitation des mines, doit entrer en vigueur aujourd’hui.Parallèlement, une rencontre entre Joseph Kabila et son homologue kényan Mwaï Kibaki s’est tenue il y a quelques jours à Nairobi, avec pour enjeu principal la lutte contre le commerce illicite des ressources congolaises dans la région des Grands Lacs.

A l’est de la RDC, des milices s’affrontent pour le contrôle des mines d’or, de coltan ou d’étain, ressources indispensables à l’approvisionnement en vivres et en armes de plusieurs groupes rebelles. En septembre dernier, sous l’impulsion d’une communauté internationale préoccupée par l’intensification des violences au Nord et au Sud-Kivu, le Président congolais a décidé l’arrêt temporaire des extractions minières. Dans certains pays occidentaux et au sein de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL), plusieurs initiatives ont été mises en place afin d’assurer la traçabilité des matières premières et le contrôle par l’Etat de l’exploitation des mines. La disparition des « minerais du sang » se trouve ainsi aujourd’hui au cœur de nombreux débats.

Sur le terrain pourtant, plusieurs témoignages ont fait état de la poursuite des extractions depuis septembre et du contrôle de certains territoires par les rebelles du Kivu. En réalité, les miliciens – issus de groupes armés congolais, rwandais et ougandais – se sont alliés à des membres des FARDC (Forces Armées de la RDC) pour le contrôle des mines ou la mise en place de barrages routiers dont le franchissement est soumis au versement d’une somme d’argent. En effet, de nombreux anciens miliciens ayant déposé les armes ont été intégrés aux FARDC tout en continuant à faire allégeance à leurs anciens chefs rebelles. En outre, du fait des dysfonctionnements au sein de la fonction publique congolaise, la participation de militaires corrompus aux activités illicites des milices est relativement fréquente.

Un nouvel accord relatif à l’extraction des minerais dans les régions du Kivu et de Maniema a donc été approuvé début mars par le ministre des Mines et les gouverneurs des provinces concernées. Le décret d’interdiction décidé par Joseph Kabila n’ayant pas permis une prise de contrôle étatique sur l’exploitation des ressources, la légalisation de l’extraction et le déploiement d’agents chargés de la traçabilité des minerais sont apparus inévitables. Toutefois, en raison de l’implication de réseaux internationaux dans le trafic des ressources congolaises, seule une coopération interétatique semble en mesure de contrer la montée en puissance des mouvances rebelles dans l’est du pays. Le 3 février dernier à Goma (Nord-Kivu), deux occidentaux ont ainsi été arrêtés par les autorités congolaises alors qu’ils s’apprêtaient à rapatrier illégalement un chargement d’or. Quelques semaines plus tard, deux tonnes d’or volées en RDC ont été retrouvées sur le sol kényan ; la cargaison était en partance pour les Emirats Arabes Unis. Le fonctionnaire en charge de l’enquête a par la suite été retrouvé mort à proximité de son domicile. Ces récents événements soulignent la montée en puissance d’un réseau de contrebande international dont les enjeux dépassent largement le cadre de la RDC. Joseph Kabila et Mwaï Kibaki ont ainsi décidé la mise en place d’une commission d’enquête conjointe sur le commerce illicite des ressources naturelles de la région, notamment l’or, le coltan et l’étain en provenance du Kivu. Le Kenya ferait en effet figure de point de transit entre la RDC et les pays du Golfe persique, où les contrôles sur l’origine des matières premières se font plus rares que dans les pays occidentaux.

Néanmoins, au regard des difficultés d’accès rencontrées par les autorités de Kinshasa dans les régions de l’est du pays et des multiples complicités au sein des forces de l’ordre congolaises et rwandaises, une disparition des « minerais du sang » semble peu envisageable à court et moyen terme. En effet, les autorités rwandaises exporteraient les ressources congolaises en tant que production locale, déjouant ainsi les contrôles internationaux sur l’origine des minerais. Ainsi, l’or, le coltan et la cassitérite ont représenté 30% des exportations rwandaises en 2010, alors que leur production demeure très faible dans ce pays. Toutefois, les implications transnationales relatives aux luttes armées du Kivu et au contrôle de ses mines sont susceptibles d’entraîner une multiplication des initiatives régionales et internationales sur ce sujet, sous l’impulsion de la communauté internationale et de grandes entreprises soucieuses d’assurer la transparence quant à leur approvisionnement en matières premières.

NDLR : source de l’article : www.armee.com

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