vendredi 1 février 2008

Kenya

NAIROBI (Reuters) - Un deuxième député kényan d'opposition a été tué par balle ans la vallée du Rift, ce qui a entraîné une nouvelle flambée de violences et la suspension des pourparlers destinés à mettre fin à la crise.
Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, avertissant contre le risque d'une catastrophe, a indiqué qu'il se rendrait vendredi au Kenya afin de prêter main forte à son prédécesseur Kofi Annan, qui mène une médiation entre le camp du président Mwai Kibaki et l'opposition.
"La violence se poursuit, menaçant d'atteindre des niveaux catastrophiques", a prévenu Ban à l'ouverture du sommet de l'Union africaine, à Addis Abeba en Ethiopie, auquel assiste le président Kibaki.
De nouvelles émeutes ont débuté après l'annonce du meurtre du député du Mouvement démocratique orange (ODM) David Kimutai Too jeudi matin à Eldoret.
Un responsable de la police a annoncé que la mort du député résultait d'un "crime passionnel" dont l'auteur présumé, un agent de la circulation, avait été arrêté.
Le tireur a également abattu une policière qui se trouvait en compagnie de Too et supposée être sa compagne.
De son côté, le chef de l'ODM Raila Odinga voit dans ce meurtre un assassinat politique. "David Kimutai Too a été tué par un policier. Je condamne cette deuxième exécution d'un député de l'ODM. Le but de cet assassinat est de réduire notre majorité", a-t-il déclaré.
REPORT DES NÉGOCIATIONS
La nouvelle de la mort de Too a poussé les délégations participant aux pourparlers à repousser leur deuxième rencontre.
"En raison de ce qui s'est produit (...) nous avons repoussé la session de cet après-midi et nous travaillerons toute la journée de demain afin que les dirigeants puissent s'occuper des dossiers urgents", a déclaré Annan.
Une foule s'est rapidement formée devant la morgue de l'hôpital où le corps de Too a été transporté. Un autre groupe s'est rassemblé devant le commissariat afin d'exiger la remise de l'agent de circulation arrêté.
"Livrez-le nous pour que nous fassions justice nous-mêmes", criait un manifestant. "C'est un complot du gouvernement pour faire disparaître l'ODM."
Plusieurs commerces d'Eldoret ont baissé rideau et des habitants ont quitté la ville alors que des manifestants envahissaient les rues, où ils dressaient des barricades et brûlaient des pneus.
Trois personnes ont été blessées par balle lorsque la police a tiré en l'air pour disperser la foule.
Un premier parlementaire de l'ODM, Melitus Were, avait été tué devant son domicile à Nairobi dans la nuit de lundi à mardi. Sa mort avait entraîné émeutes et nouveaux massacres.
L'ODM avait attribué la mort de Were à un "assassinat politique", mais la police a indiqué considérer l'événement comme un "meurtre".
"ÉTOUFFER L'AFFAIRE"
Dans une interview accordée à Reuters, Odinga a affirmé que les Etats-Unis avaient proposé l'aide d'enquêteurs du FBI afin d'établir les circonstances de la mort de Were. L'offre a été confirmée par l'ambassade américaine au Kenya.
Odinga a exhorté Kibaki à accepter cette proposition, afin de faire la lumière sur le meurtre de Were ainsi que sur celui de Too.
Le chef de l'opposition réfute les qualificatifs de "meurtre" et "crime passionnel" employés par la police et voit dans la mort des deux députés des assassinats politiques.
"Bien sûr, (Too) se trouvait en compagnie d'une dame, mais est-ce un crime en soi ? Comment peuvent-ils établir des conclusions avant même d'avoir enquêté ?", a-t-il demandé, appelant de ses voeux une enquête indépendante.
"Je pense que le gouvernement veut simplement étouffer l'affaire", a-t-il estimé, ajoutant que la mort de Too, "un jeune homme politique patriote et prometteur", était un coup terrible porté à son parti.
Il s'est toutefois montré optimiste à propos de la médiation d'Annan, ajoutant que l'opposition respecterait sa décision de suspendre les manifestations.
"Nous voulons leur donner le bénéfice du doute. Jusqu'ici, tout s'est bien passé. Des progrès ont été effectués", a ajouté Odinga. "Ils veulent achever la première phase d'ici sept jours. Cela règlera les problèmes les plus immédiats. Les dossiers de long terme feront l'objet de la deuxième phase, qui pourra prendre plus longtemps."
Depuis la proclamation de la victoire de Kibaki à l'élection présidentielle du 27 décembre, 850 Kényans au moins ont péri dans des affrontements politico-ethniques, aggravés par des rivalités économiques et l'action présumée de bandes organisées.
De nombreux habitants craignent un échec de la médiation entreprise par Kofi Annan pour tenter de rapprocher Kibaki et Odinga, qui accuse le camp présidentiel d'avoir massivement fraudé lors du scrutin et de lui avoir volé la victoire.

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