lundi 21 novembre 2011

RDC: L’Est de la RDC serait en paix

4 novembre, au Grand Hôtel de Kinshasa. Le Premier ministre de la République démocratique du Congo Adophe Muzito s’apprête à dresser le bilan politique, économique, financier, monétaire et social du chef de l’Etat Joseph Kabila, élu en 2006 et candidat à la présidentielle prévue le 28 novembre. Mais auparavant, il indique que le pouvoir a «hérité» en 2007 d’une «situation difficile», notamment sur le plan sécuritaire.

«Début 2007, le Congo était encore en proie à des rébellions et à une insécurité généralisée qui rendait difficile, voire impossible, le contrôle par le gouvernement de la république de l’ensemble des provinces telles que le Nord et le Sud Kivu (est), la province Orientale (nord-est), le Maniema (centre) et une partie importante du Nord-Katanga (sud-est)», a déclaré le chef du gouvernement, membre du Parti lumumbiste unifié (Palu).

«Les morts, les viols et les blessés se comptaient chaque jour par milliers causant la désolation dans de nombreux foyers et communautés. Cette situation explosive menaçait dangereusement l’ensemble des institutions issues des élections de 2006», a-t-il ajouté devant des diplomates, des chefs traditionnels, des ministres et des membres de la Majorité présidentielle – la plateforme soutenant Joseph Kabila, au pouvoir depuis l’assassinat de son père Laurent-Désiré en 2001.

«Plus d’incendie à l’est, sinon quelques brasiers»

Lors de sa campagne électorale, le président-sortant, 40 ans, avait promis la reconstruction de la RDC, ex-colonie belge ruinée par les guerres de 1996-1997 et 1998-2003, et de rétablir la paix, surtout dans l’est. Bilan sécuritaire après cinq ans de magistrature suprême? Il n’y a «plus d’incendie à l’est, sinon quelques brasiers», avait-il fièrement souligné le 14 septembre, lors d’un discours-bilan dans sa ferme à Kingakati, en périphérie de Kinshasa.

«Le gouvernement de la Majorité a réussi à mettre fin à la guerre, à l’invasion des troupes armées étrangères sur le territoire national. Conciliant l’approche diplomatique, la négociation politique et la force, le gouvernement a réussi à ramener la paix», a pour sa part résumé Adolphe Muzito, signalant des «résultats palpables» entre autres en Ituri (province Orientale), à Masisi (Nord-Kivu) et dans les territoires de Chabunda et Mwenga (Sud-Kivu).

«De même l’autorité de l’Etat a été rétablie dans plusieurs contrées abandonnées par certains groupes armés, des éléments de la police y ont été déployés et plusieurs services essentiels y ont été réinstallés», a-t-il renchérit. Il a cependant lui aussi reconnu des «poches de résistance», avant de rassurer que les Forces armées de la RDC (FARDC) et la Mission de l’ONU pour la stabilisation du Congo (Monusco) tentaient de «les nettoyer».

Cinq humanitaires assassinés

A l’approche de la présidentielle et des législatives prévues le 28 novembre à un seul tour, 41 organisations congolaises et internationales se sont inquiétées fin octobre dans un communiqué de la «dégradation de la situation sécuritaire» et ont demandé tant au niveau national qu’international des «mesures urgentes pour prévenir la violence électorale» – en priorité à Kinshasa, où des marches de l’opposition pour la «transparence» des élections ont été violemment réprimées, et à l’est, «où la population avait majoritairement voté pour le président Kabila» en 2006.

Le collectif, qui inclut la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme et l’International Crisis Group, déplore une «augmentation récente du nombre d’attaques contre les travailleurs humanitaires», rappelant qu’au début du mois dernier le pays a connu l’incident «le plus mortel (…) dans toute son histoire» avec le meurtre au Sud-Kivu de cinq humanitaires congolais travaillant pour l’ONG Eben Ezer, spécialisée dans l’éducation. Deux civils ont également été tués.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) en RDC estime que depuis le début de 2011, près de 140 incidents – allant «du braquage pour extorsion de biens, à la prise d’otage, en passant par le détournement des véhicules humanitaires pour le transport d’effets militaires» – ont ciblé des humanitaires dans les provinces du Nord et Sud Kivu.

Le dilemme de la LRA

Les auteurs présumés de l’attaque contre Eben Ezer appartiendraient aux Maï Maï Yakutumba, une milice d’auto-défense locale alliée à des rebelles burundais du Front national de libération (FNL). En septembre, ces Maï Maï avaient détourné et pillé deux bateaux sur le lac Tanganyika et, rapportait en octobre la Monusco, ont imposé à chaque navire 500 dollars de taxe de «contribution aux efforts de guerre de Yakutumba».

Yakutumba est l’un des nombreux groupes Maï Maï actifs dans l’est, et qui opèrent seuls ou avec des groupes armés étrangers – quand ils ne les combattent pas notamment pour le contrôle de sites miniers. Ils n’hésitent pas à cibler la Monusco ou les FARDC et commettent des exactions dans les villages, provoquant des déplacements de populations. D’autant que les Maï Maï Kapopo ou Kiricho s’illustrent dans le recrutement forcé de civils, d’après la Mission onusienne.

Mi-octobre, le président américain Barack Obama a annoncé le déploiement d’une centaine de soldats en Afrique centrale. Objectif: traquer et neutraliser Joseph Kony, leader de l’Armée de résistance du seigneur (LRA), considérée comme l’une des rébellions les plus sanglantes au monde. Selon Kinshasa, ce déploiement s’adresse surtout la «Centrafrique» – où se cacherait le chef, qui a quitté l’est congolais il y a quelques mois – et ne «concerne pas» la RDC.

Elle en veut pour preuve qu’en province Orientale, suite aux efforts conjoints des FARDC, de soldats américains, de la Monusco (renseignement, formation, logistique…) et de l’armée ougandaise, aucune attaque de la LRA n’a officiellement été répertoriée depuis plus d’un semestre en RDC. Pourtant, la Mission de l’ONU et plusieurs associations de la société civile ont recensé quelques attaques, malgré une accalmie.

Echec des négociations avec les FDLR

«La LRA a une réputation de sorte que des petits malins, pour tétaniser leur victimes, se font passer pour LRA et, à ce moment-là, les gens font tomber leurs défenses, paniquent, s’enfuient et se font piller», commente Lambert Mende, porte-parole du gouvernement. Une version qui ne convainc pas certains militants des droits de l’homme.

Autre rébellion étrangère retord: les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), œuvrant aux Nord et Sud Kivu et elles aussi accusées de violations des droits humains. Kinshasa a essayé de négocier «le désarmement» et «ils devaient se regrouper, on devait les identifier, ils avaient le choix soit de rentrer chez eux au Rwanda, soit d’être délocalisés», a révélé Joseph Kabila le 18 octobre, lors d’une conférence de presse.

«Malheureusement, ces négociations ou ces discussions, ces contacts ont complètement échoué, et nous pensons qu’on va continuer avec les opérations militaires» contre les FLDR, avait ajouté le président-candidat, avant de conclure: «Néanmoins, la porte est toujours ouverte pour ceux des FDLR qui pensent qu’il est temps de rentrer chez eux. (…) Les contacts sont toujours maintenus pour qu’on arrive à cet objectif».

La Monusco signale régulièrement des redditions de combattants – et parfois de leurs femmes et leurs enfants – se réclamant de la LRA ou des FDLR. Mais la RDC doit épurer ses propres rangs. Le pouvoir a «hérité sur le plan sécuritaire d’une armée, d’une police et de services de sécurité composés d’éléments disparates issus de plusieurs groupes armés – ces éléments obéissaient à plusieurs chaînes de commandement» et étaient souvent accusés d’exactions, a déclaré le 4 novembre Adophe Muzito. Aujourd’hui, des civils imputent encore des violations des droits humains à des soldats des FARDC, mais Kinshasa affirme que la réforme de l’armée avance.

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