lundi 7 novembre 2011

Présidentielle 2011 : le Kivu ne peut que donner raison à Kabila !

Parmi les onze candidats à la présidentielle de 28 novembre 2011, deux, à savoir Etienne Tshisekedi et Léon Kengo, ont contribué au regard des fonctions qu’ils ont assumées pendant le régime Mobutu à l’éclosion du climat de l’insécurité au Kivu. Voici Comment.

Le Nord et le Sud-Kivu forment le Kivu frontalier. Sa colonne va de l’Ouganda à la Tanzanie en passant par le Rwanda et le Burundi. C’est, depuis les années 1960, la partie la plus sensible du pays en ce qu’il a vu passer deux formes de guerre : la rébellion et l’agression. En près de 50 ans, il est demeuré une zone instable. C’est seulement sous Joseph Kabila, depuis 2001, qu’il y a eu le plus d’initiatives pour la paix en sa faveur qu’au cours des 40 premières années d’Indépendance.
Au moment où s’amorce le deuxième cycle électoral, plusieurs candidats concurrents promettent la paix en remettant systématiquement en cause l’engagement du chef de l’Etat à cet effet. Certains vont certainement se livrer à la diversion. La réalité, dure, est pourtant là : la paix au Kivu a eu pour première source et cause d’instabilité Kinshasa, à l’époque Léopoldville ! Du moins après l’Indépendance… Voici comment !

Tout part du référendum constitutionnel de 1967. Mobutu est aux affaires depuis le 24 avril 1965. Le Mpr est mis sur pied. L’homme a cependant besoin de consolider le fondement juridique de son pouvoir. D’où le référendum devant doter le Congo d’une nouvelle Constitution, celle-ci de la Conférence de Luluabourg (Kananga) ayant été abrogée.
Parmi les premiers et principaux collaborateurs de Mobutu figure, en pole position, Dr Etienne Tshisekedi. Il est ministre de l’Intérieur. Il est même plus puissant, laisse-t-on entendre, que le Premier ministre Léonard Mulamba. Un militaire de la vieille garde. Dont le mandat sera d’ailleurs d’une petite année : novembre 1965-octobre 1966.
A l’époque, le ministère de l’Intérieur est l’organisateur des élections. Ce n’est pas comme aujourd’hui avec la Céni du pasteur Daniel Ngoyi Mulunda ou hier la Cei de l’abbé Apollinaire Malu-Malu.
La grande décision que prend le ministre de l’Intérieur, assurément sur instruction du futur maréchal, est l’enrôlement d’office des ressortissants rwandais séjournant dans le Kivu. Personne n’a jamais dit en contrepartie de quoi. Tout ce que l’on sait, c’est qu’en 1972, soit cinq ans après, la haute direction du Mpr prendra une autre grande décision : l’octroi d’office de la nationalité congolaise au Rwandais, quand bien même elle se dédira en 1981 !
Dans sa propre note biographique rédigée le 7 décembre 1999, Etienne Tshisekedi, candidat à la présidentielle 2011, signale que de 1971 à 1974, il est député national, élu de la circonscription de Kabinda, puis 2ème et 1er vice-président du Conseil législatif (équivalent du Parlement). Pareille décision doit avoir requis son avis.
Quant à Léon Kengo, candidat également à la présidentielle 2011, il est dans le sillage de Mobutu depuis 1968. S’il est vrai qu’au moment du référendum constitutionnel en 1967 il n’est pas au pays (puisqu’il est en train de terminer ses études en Belgique), il est tout aussi vrai qu’en 1972, lorsque la haute hiérarchie octroie la nationalité congolaise aux ressortissants rwandais, il est déjà actif dans l’appareil judiciaire en assumant les fonctions de Procureur général de la République.
A deux, les juristes Tshisekedi et Kengo auront donc lié leurs noms au drame kivutien.
2ème République ou instrument de déstabilisation du pays
Coupé quasiment du reste du pays puisque rendu inaccessible par voies terrestres (routes et chemins de fer), le Kivu – comme plus tard la Province Orientale et le Katanga – sera livré pieds et poings liés aux pays voisins de l’Est, entendez le Soudan, l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la Tanzanie et la Zambie.
Pour commercer (lisez vivre), la Province Orientale, le Nord Kivu, le Sud Kivu, le Maniema et le Katanga dépendent, sous la 2ème République, plus de ces pays-là que des provinces du Kasaï Oriental, du Kasaï Occidental, de l’Equateur, du Bandundu, de Kinshasa et du Bas-Congo.
Au travers de cette reconfiguration politico-sociologique, le Kivu s’installe pour longtemps dans le cycle d’insécurité. Aux autochtones qui revendiquent leurs droits – et qui lancent pour ce faire les mouvements Ngilima et Maï-Maï - le régime Mobutu répond par des expéditions militaires brutales. Le summum sera atteint avec l’opération Mbata, en 1996.
Dans une déclaration datée du 16 mars 1999, les ressortissants de Beni-Lubero décrivent cette opération en ces termes : « Les envahisseurs et leurs suppôts locaux doivent se rappeler que les populations des territoires de Béni et de Lubero, sous l'appellation de Ngilima May May autrement dit autodéfense populaire, avaient compris et pris les armes, bien avant les autres, contre la dictature de Mobutu en libérant pendant 3 mois (mars, avril, mai 1996) le grand axe routier Vitshumbi, Rwindi, Kanyabayonga, Kayna, Lubero. D'où l'opération "Mbata" initiée par le gouvernement Kengo avec le concours spécial de certains de ses ministres originaires de ces territoires. Cette expédition militaire menée par la Dsp et le Sarm de Mobutu a eu comme conséquences graves : la destruction massive et les pillages systématiques des cités de Kanyabayonga (26.000 habitants), Kayna (30.000 habitants), Kirumba (24.000 habitants), Kaseghe (5.000 habitants), Vitshumbi (15.000 habitants), Kibirizi (5.000 habitants), plus les massacres des populations estimées à 300 personnes et 4.500 maisons incendiées ».
En un mot, le régime Mpr mis en place en 1967, et dont la puissance sera accrue par les caciques du régime entre 1970 et 1990 avant de piquer du nez entre 1990 et 1997, se sera révélé un véritable instrument de déstabilisation du pays.
Des initiatives Kabila pour la paix
Comme relevé dans une chronique, la chance des Congolais par rapport au processus électoral actuel est de mettre face au peuple des acteurs politiques qui doivent répondre de leur gestion passée et présente pour mériter de l’avenir.
Au Kivu, où ils vont devoir passer tous dans le cadre de la campagne électorale, ils seront obligés de dire aux compatriotes du Nord et du Sud quelle est leur part de responsabilité dans la situation sécuritaire locale, mais surtout quelle est leur part de contribution à l’avènement de la paix !
Joseph Kabila peut brandir la sienne : outre le Dialogue intercongolais dont il va faciliter la tenue des assises et l’application des résolutions prises, il y a le processus de Nairobi impliquant les voisins de la sous-région et la conférence de Goma. Quand il a fallu recourir à la force, il l’a fait, mais non sans continuer de privilégier la solution négociée. A son actif, il y a aussi des initiatives discrètes, notamment avec les groupes armés internes. Certains ont renoncé aux armes ; d’autres font une résistance dictée plutôt par l’affairisme.
L’une de ces initiatives est l’exhortation faite en 2010, à l'hôtel Ihushi de Goma, aux Kivutiens de s’impliquer, les premiers, dans les actions de pacification. D’autant plus que la reconstruction nationale, au travers des « 5 Chantiers », a pour préalable normal la restauration d’une paix réelle. Il est, du reste, de notoriété publique que les investisseurs n’aiment pas les bruits des bottes.
Certes, les adversaires ne se gêneraient pas de brandir, eux, les rapports des ONG de défense des droits de l’homme, concernant entre autres les violences faites à la femme.
C’est ici l’occasion de s’arrêter pour réfléchir calmement. En majorité, les militaires Fardc déployés au Kivu sont originaires du Kivu. Les Maï-Maï, eux, sont des Kivutiens purs sang.
De quelle logique procèdent-elles alors, ces violences faites sur des Kivutiennes par des éléments Fardc et des éléments Maï-Maï eux-mêmes du Kivu ? Ou de quelle logique procède-t-elle, cette « tolérance » de la part des éléments Fardc et Maï-Maï ressortissants du Kivu si ces violences sont le fait des militaires originaires d’autres provinces !
Gestion rationnelle d’une situation héritée
C’est parce qu’il est conscient de ces évidences que Joseph Kabila se refuse d’être un commandant suprême va-t-en-guerre. Une attitude payante quand on sait qu’aujourd’hui, il y a de moins en moins d’affrontements armés au Kivu ; ceux qui s’y signalent relèvent de plus en plus du banditisme, à voir le nombre de prises d’otages libérés sur rançons…
Les Kivutiens réalisent que sous Kabila, le processus de paix se consolide en même temps que s’enclenche le processus de reconstruction au travers des « 5 Chantiers ». Ils admettent que sans le cycle récurrent de guerres, le Kivu serait à l’image de son relief et de son climat lui faisant ressembler à la Suisse.
Ce que l’on va finalement devoir retenir, c’est qu’aucun chef militaire responsable ne peut envoyer une armée rétablir par la force une situation trouble où s’entremêlent des intérêts pareils.
Seul de tous les 11 candidats à avoir fait l’armée, Joseph Kabila calcule tout ; il pèse tout. Avant de décider de quoi que ce soit, en conséquence.
Aussi, à voir comment il fait face à ce dossier, on peut l’affirmer : le Kivu ne cessera jamais de lui donner raison puisqu’il gère de façon rationnelle une situation qu’il a héritée des acteurs politiques des années ’60 et ’70 !
Ceux avec qui il a rendez-vous le 28 novembre 2011.

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