dimanche 2 novembre 2008

Les rebelles aux portes de Goma

 

Au nord de Goma, les rebelles congolais empêchent les civils de fuir

LE MONDE | 01.11.08 | 13h34  •  Mis à jour le 01.11.08 | 13h42

KIBUMBA (Est de la République démocratique du Congo) ENVOYÉ SPÉCIAL

en juger, vendredi 31 octobre, par la multitude d'abris de fortune installés dans la brousse, le dispositif des Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC) avait été conçu pour tenir fermement la zone. La route qui monte de Goma, capitale du Nord-Kivu, dans l'Est de la République démocratique du Congo, est l'axe de la percée réalisée, ces derniers jours, par la rébellion. Les troupes du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) de Laurent Nkunda avaient commencé à descendre de leurs bases installées dans les collines, plus au nord, en direction de Goma. En chemin, ils devaient trouver les FARDC, leur artillerie lourde et leurs soldats positionnés autour de la route.

A en juger par le nombre de munitions utilisées qui jonchent à présent le sol à quelques kilomètres seulement de Goma, les soldats loyalistes armés de lance-roquettes et leurs chars ont dû tirer avec une furieuse énergie. Sur quelles cibles ? Les rares habitants qui n'ont pas pris la fuite ne parlent pas de combats directs entre les FARDC et les rebelles du CNDP. "Ils sont partis comme ça, sans qu'on comprenne pourquoi. Les rebelles sont seulement arrivés le lendemain", assure un homme qui pousse un vélo sur la route.

A rebours du mouvement général de la population de toutes ces collines qui ont fui massivement vers le sud pour se regrouper aux alentours de Goma, l'homme remonte plein nord en direction des zones contrôlées par le CNDP. Il quitte la très relative sécurité des camps de déplacés improvisés qui poussent dans les environs de Goma : "Là-bas, il n'y a rien à manger. On dort sur le sol. Nos autorités locales nous ont conseillé de rentrer chez nous." Le conseil n'a été très suivi que par les populations rwandophones de cette région, parlant la langue du Rwanda d'où ils ont émigré des générations plus tôt. Les rebelles de Laurent Nkunda sont en grande partie recrutés parmi ce groupe.

"COMME DES ESCLAVES"

Un peu plus bas, près de la sortie de Goma, des foules d'habitants de cette région agricole très peuplée se sont massées au cours des derniers jours dans le bourg de Kibati. Ils tentent de trouver de quoi se nourrir. Les nuits du Kivu sont glaciales. Tandis que tombe le jour, de maigres feux s'allument.

Au-delà de Kibati (8 km au nord de Goma), il n'y a plus personne. Seulement la route qui monte vers le nord et l'ensemble des régions conquises par les troupes de Laurent Nkunda. A une dizaine de kilomètres à peine de Goma, ses hommes sont déjà là, par petits groupes le long de la route. A Kibumba, une agglomération rurale vidée en partie de ses habitants, un petit groupe d'hommes et de femmes tente de quitter à son tour la zone sous contrôle CNDP. Les rebelles les en empêchent. Surgit un groupe de motos qui tente de se frayer un chemin jusqu'à Goma. Il doit faire demi-tour. "Nous sommes ici comme des esclaves. Les soldats refusent de nous laisser passer pour rejoindre Goma", s'indigne un homme. A ses côtés, un autre habitant de Kibumba renchérit : "Moi, j'avais pris la fuite lundi, et je suis rentré aujourd'hui pour récupérer des petites choses à la maison. Ma femme, les enfants, sont à côté de Goma et je ne peux pas retourner là-bas."

Pourquoi le CNDP empêche-t-il ainsi les habitants de ces territoires nouvellement conquis de fuir la zone ? Les rebelles sur le terrain ne peuvent répondre à cette question, se contentant d'interroger des supérieurs avec des talkies-walkies en kinyarwanda, langue parlée aussi bien par les populations d'origine rwandaise du Kivu que par les Rwandais.

Des poches de soldats loyalistes se trouvent encore dans les collines. Des fuyards égarés ou des éléments mieux entraînés que le gros des troupes, qui tenteraient de monter des coups de main. Au sud de Goma, plusieurs milliers de soldats des FARDC tentent de se réorganiser. Dans la capitale régionale, vendredi 31 juillet, les troupes de la Mission de l'ONU au Congo, la Monuc, patrouillaient en ville, tentant d'assurer un semblant d'ordre après quarante-huit heures de flottement, pendant lesquelles les soldats congolais en fuite ont pillé certains quartiers, à la faveur du cessez-le-feu décrété par le CNDP.

Jean-Philippe Rémy

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